L'Histoire J’aurais pu naître dans une famille unie, dirigée par des parents qui s’aimaient, qui ne manquaient de rien et qui avaient assez d’argent sans besoin d’aller braver le danger pour en ramener. Mais ce n’est pas ce genre d’enfance que j’ai eu. Ma mère est tombée enceinte de moi à 18 ans, mon père en avait 26. Elle venait d’une famille pauvre qui l’a malmené toute sa vie, ce qui l’a faite prendre la poudre d’escampette dès qu’elle a pu. Elle a rencontré mon père à 16 ans et en est tombée folle amoureuse presque de suite. Si bien qu’il a fini par céder à ses avances. Pourquoi ma mère a craqué? Parce qu’il était tout l’inverse de ce qu’elle voyait au quotidien. Un bad-boy qui se foutait des règles, et ça, ça a fait sombrer ma mère dans l’amour. Mon père n’était autre que le dirigeant d’un gang de Busan connu et respecté. Voire même craint. Du traffic de drogue aux affaires politiques de la ville, il avait la main sur pas mal de choses et quiconque osait l’affronter se faisait exploser la cervelle. Des femmes il en a eu des cents et des milles, mais il a toujours eu une préférence pour ma mère, pour sa timidité et son innocence qu’il a réduit à néant malgré lui. Ma mère est partie complètement en vrille et a voulu un peu le suivre dans ses affaires malgré les nombreuses mises en garde de mon paternel. Puis elle est tombée enceinte, et elle s’est calmée. Pas mon père.
Il a emmené ma mère loin de son domicile familial, loin de ces chrétiens obsédés puisque de toute façon, ils l’ont mise dehors quand elle a annoncé sa grossesse. Et… J’aimerais vous dire qu’ils vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfant mais ce n’est pas vrai. Le rêve, s’il a existé, n’a duré que peu de temps.
Mon père a fini par se faire attraper quand j’ai eu 6 ans. Le jour de mon anniversaire, alors que j’étais sur le point de souffler mes bougies, les flics ont défoncé la porte de notre jolie maison en banlieue pour l’embarquer. Je me souviens de cette scène comme si c’était hier. Il a pris perpétuité pour tous les sous qu’il a volé et d’un point de vue justice, c’est mérité.
Mais du point de vue de sa fille, c’est injuste. Je n’ai pas connu mon père si ce n’est derrière une vitre et pendant des entretiens de 20 minutes, 2 fois par mois. Je sais qu’il aime encore ma mère et que s’il a un jour la chance de sortir (même s’il ne sortira jamais et tout le monde le sait), il retournerait avec elle, pour que l’on vive tous les trois, heureux.

Or, ma mère a refait sa vie entre temps. Aussi difficile que cela ait pu être, elle a finalement tourné la page après avoir passé 3 ans à boire et à se défoncer à la coke bien sûr. C’était son moyen pour compenser l’absence de mon père à ses côtés. Pour pouvoir se payer son carburant, elle m’envoyait danser dans la rue parce que j’avais au moins ça comme fierté, j’étais très douée en danse moderne, je suivais des cours gratuits au squat de mon quartier, donnés par des bénévoles. Alors on passait des journées dans les rues de Busan, ma mère tenant un chapeau et moi à danser. Je sais pas s’ils donnaient parce que j’étais douée ou parce qu’ils avaient pitié de moi mais ma mère a ramassé quand même pas mal d’argent grâce à ça. Mais je n’en ai jamais eu le remerciement. Jamais. Elle me traitait comme de la merde. Quand je m’approchais d’elle pour un câlin ou un peu d’attention, elle m’envoyait chier et la venue de son nouveau mec dans notre vie n’a rien arrangé. Au contraire, elle a tout empiré.

Elle l’a rencontré dans la rue, alors que je dansais. Il s’est approché et lui a parlé de la pluie et du beau temps. Il a donné un gros billet et ça a suffit pour charmer ma mère. Mais je voyais son regard sur moi. Il était menaçant et ses sourires ne me rassuraient en rien. J’ai eu un très mauvais pressentiment et quand je l’ai vu revenir presque tous les jours, j’ai compris qu’il voulait s’immiscer dans notre vie. Un peu de manipulation et il a fait tomber ma mère dans ses filets. Mais il fallait reconnaître les choses: ma mère ne plaisait à personne dans l’état où elle était. Elle n’était pas coiffée, mal habillée et ses dents étaient dans un état lamentable à cause de l’alcool et de la drogue. En sommes, une femme jolie autrefois avant de se tuer la santé. Et ce mec l’a quand même choisi. Moi, j’ai vu venir l’histoire de loin.

Il s’est donc installé chez nous peu de temps après et au début, tout se passait plutôt bien. Il m’a montré que je pouvais lui faire confiance mais il était aussi fauché que nous, malheureusement. Mais je me suis prise d’affection pour ce type, il a même incité maman à trouver un travail et la vie a commencé à redevenir douce, facile. Jusqu’à ce qu’il se mette à avoir des gestes déplacées à mon égard. Des mains baladeuses, des gestes osées que je repoussais tout le temps, mais j’étais effrayée. Je n’avais que 12 ans, et même si j’vais vu des horreurs, je restais une enfant innocente. Ça, ça ne lui a pas traversé l’esprit, ça ne l’a pas interpellé et il a continué ses gestes déplacés. J’ai grandi, j’ai pris des formes, je me suis affinée. En bref, je suis devenue une jeune femme trop appétissante pour un prédateur comme lui et quand j’ai eu 16 ans, il m’a violé. Plusieurs fois. Ça a duré presque un an. Heureusement, j’ai rencontré un garçon qui allait bouleverser ma vie mais qui m’a sorti de ce calvaire.

Il s’appelait Hyun Seung et il avait 2 ans de plus que moi. Un jeune délinquant au regard ténébreux qui m’a vite charmé. Alors que je refusais nombre d’avances, la sienne, je l’ai accepté et j’ai sombré si profond que j’ai bien cru me noyer. Je suis tombée amoureuse de lui en un claquement de doigts et j’ai cru pendant longtemps que lui aussi, il était amoureux de moi. Il me promettait monts et merveilles, m’offrait absolument tout ce que je voulais et m’a sorti de mon foyer. Il a même cogné mon beau-père à sang pour qu’il me laisse tranquille et j’ai donc pris la fuite avec lui. J’étais jeune, certes, mais sûre de ce que je voulais. Et je le voulais lui, je voulais vivre avec lui. J’ai alors déménagé pour m’installer dans un petit appartement qu’un de ses potes lui prêtait. Ses potes? Des mecs d’un gang que je ne connaissais pas encore, il a longtemps hésité à me les faire rencontrer. Mais une fois ça de fait, j’ai commencé à comprendre qui il était. Il n’était pas qu’un délinquant, il était la copie conforme de ce que mon père était dans ses jeunes années: membre d’un gang, le plus puissant sûrement de Busan. Et l’argent, il le prenait de vols, de trafics en tout genre… Tout ce que j’avais, c’était illégal mais je ne l’ai su que tard. Trop tard pour m’enfuir, pour me tirer de là et j’ai été, malgré moi, mêlée aux affaires de ce gang. Mêlée à leur réunion qui se faisaient chez nous parfois, tenue par le secret sinon je me faisais zigouiller. Malgré ça, il m’aimait, qu’il disait. Il m’aimait du plus profond de son coeur et il était prêt à tout pour moi.

Et puis un jour, après 2 ans de relation… Je suis tombée enceinte.
J’ai voulu m’en débarrasser, j’étais encore à temps d’avorter mais le courage m’a manqué et j’ai décidé de le garder, avec l’accord de mon copain qui était des plus ravis par la nouvelle. Je n’avais plus de nouvelles de ma mère depuis que j’avais quitté le domicile, mais d’un côté, j’étais si heureuse que je ne voulais pas la revoir pour qu’elle me fasse plonger dans le malheur avec elle. Je nageais en plein bonheur et à mesure que mon ventre s’arrondissait, j’avais la perspective d’un avenir insouciant et glorieux aux côtés de mon mauvais prince. Mais je me suis trompée.
Le 17 Janvier 2013, j’ai donc donné naissance à un petit garçon que nous avons appelé Kai. Personne de nos familles n’est venu voir le bébé, seuls les amis de mon compagnon sont venus déposer des cadeaux et voir Kai. Il était déjà adopté par tous ces gars. C’est vrai que ça bouleverse une vie, un enfant. Je ne me souviens pas avoir été aussi heureuse que le jour où ils l’ont posé sur ma poitrine pour la toute première fois. Kai est vite devenu ma plus belle victoire et même si dans 30 ans, je deviens ministre, mon fils restera toujours ma fierté, ma réussite. Nous formions une jolie famille, du moins, la première année. Après, les choses se sont vite dégradées. L’argent, la drogue… Ce quotidien ne me plaisait plus. J’en avais marre, je voulais d’une vie simple et posée loin de Busan mais mon compagnon n’était pas de cet avis. Les disputes ont commencé, parfois sous les yeux de notre fils mais quand j’essayais de tempérer les choses, mon compagnon renchérissait et réussissait à me faire sortir de mes gonds. Et quand je sors de mes gonds, je hurle, je casse les objets, je ne me contrôle pas. Le problème c’est que nous avions les mêmes caractères alors les disputes finissaient souvent sur des gestes disproportionnés, des gifles, des coups. Nous ne partagions presque plus rien mais je n’avais nulle part où aller, j’étais dépendante de ce garçon, je n’avais pas d’autres choix que de rester à ses côtés. Mais à quel prix?

J’ai fini par comprendre que ce n’était pas ça mon avenir. Il n’était pas là, aux côtés de ce mec. Et même si nous avons un enfant ensemble, je n’ai pas d’attaches particulières. Pas une en tout cas qui m’aurait empêché de prendre mon fils et de partir. Je me suis prise en main. J’ai trouvé un travail dans un bar en tant que serveuse et ai pu obtenir un appartement en location dans le centre de Busan. Un appartement certes pas très grand mais suffisant pour deux. Je ne roulais pas sur l’or, c’est vrai, mon travail me permettait tout juste de payer mon loyer et de nourrir mon fils,  mais au moins, j’étais avec lui et j’avoue que j’oubliais tout quand je le regardais.

Bien sûr, mon ex n’a jamais accepté mon geste. Et je l’ai payé bon nombre de fois. Je me suis faite agresser, voire même frapper à la sortie de mon travail par une bande de mecs du gang qui m’ont demandé où était mon fils quand je travaillais. Je n’ai jamais donné le nom de ma nounou et j’ai tenu comme ça pendant 3 ans.  Entre temps, je suis devenue danseuse dans un bar de strip-tease, ce qui a presque doublé mon salaire et j’ai alors pris un appartement plus grand.
Mais il y a 1 mois, alors que je passais chez la nounou pour récupérer Kai, j’ai trouvé cette pauvre femme au sol, le visage en sang et bien amochée. Très vite, je suis allée voir dans la chambre si Kai y était toujours, mais il n’était plus là. Il avait disparu. Mon garçon m’avait été levé. Oh bien sûr, je suis restée au chevet de la nounou pendant 3 jours. Son témoignage me laisse penser que c’est bel et bien mon ex qui a orchestré tout ça.

Je suis une mère. Je suis une lionne. On ne me vole pas mon fils. Je suis prête à tout pour le récupérer. Aux pires délits.