L'Histoire

- Ça y est, elle est morte.
- Ah ? C’est bon cette fois-ci ?
- Chuut ! Le fils n’est pas encore au courant…
- Junhae ?! Mais ça fait combien de temps ?!
- Déjà trois jours… Monsieur Son ne sait pas comment le lui annoncer…

Cinq jours,  c’est le temps qu’il a fallu à Son Jun Hyuk pour avouer à son fils que sa mère était décédée. Cinq jours pendant lesquels Junhae tournait devant la porte de la chambre, comme un animal en cage. Cinq jours pendant lesquels on lui disait : attends encore un peu, elle va de mieux en meux, tu pourras bientôt la voir. Il l’a vu. A l’enterrement. Le cercueil laissant apparaître les traits figés d’un visage qui n’étirerait plus aucun sourire. Et voilà qu’il devenait la caricature de gamin riche dont le père se noyait dans le travail. Overdose. On ne lui avait pas dit. Oh non, la version officielle était un arrêt cardiaque sans explication. Non, la vérité, il l’avait entendu de bruits de couloirs. Ça parle les domestiques. Surtout lorsque la famille passait leurs nerfs sur eux dans les temps difficiles. Il fallait que Monsieur Son arrête de boire, disaient certains. D’autres ricanaient sur le fait que le fils ne connaissait toujours pas ses tables de multiplication. Cette année encore, il ne passerait en classe supérieure que grâce au portemonnaie de la famille.

Ironiquement… ce ne fut pas la mort de sa mère qui marqua à jamais Junhae. Sa mère et lui n’étaient pas proches. Pas de moments privilégiés, pas de relation fusionnelle,… Aussi loin que ses souvenirs remontaient, il la connaissait distance, froide. Non, ce n’était pas sa mort qui creusa le vide. Ce fut la douleur de son père. La relation fusionnelle était avec lui. Depuis toujours. Voir l’homme se noyer dans ses souffrances, voilà la véritable rupture.

Adolescent insupportable, turbulent. Père aimant mais démuni. Les erreurs d’éducation s’accumulent. Trop de liberté, trop d’argent de poche, trop d’absence… Jusqu’à la goutte de trop, un jour de sa vingt-troisième année… La maison familiale transformée en fête géante. Surprise de mauvais goût pour le père. Le fils qui ne trouve rien de mieux à dire que c’est de sa faute s’il n’était pas assez riche pour se payer une deuxième maison dans laquelle il pourrait faire la fête vingt-quatre heure sur vingt-quatre. C’était vrai que dans les riches, les Son étaient des petits joueurs. Le bas du panier des friqués. Au grand damne de Junhae qui devait redoubler d’efforts pour vivre au même niveau que les autres…

Décision drastique. Désormais Junhae n’aura plus le droit à son traitement de faveur. Départ du nid. Avec des ailes en soie tout du moins… Les règles du jeu allaient changées. A partir de maintenant, Son Junhae vivrait dans un appartement – tout de même payé par les soins de papa – et devra subvenir à ses besoins grâce à un job à côté de ses études. Il fallait un coup de pied dans le cul à son fils. Il n’avait aucun autre moyen de le lui faire comprendre. En se débrouillant seul, peut-être qu’il prendra enfin ses responsabilités et deviendra mature ?