Hyun est pas à l’aise. Et c’est hyper frustrant, parce que Hyun a toujours été à l’aise, partout et tout le temps. Hyun, c’est ce gars, posé, tranquille, qui regarde la vie, plus qu’il ne la vit. Il est spectateur plus qu’acteur, bien qu’en pensent les langues de vipères, et vraiment, ça lui convient parfaitement comme ça. Mais là, c’est différent. Parce que depuis quelques mois, y’a cette histoire avec Taewoon qui le tracasse, et qui l’agace. Parce que depuis quelques moins, y’a son visage qui revient sans cesse devant ses yeux lorsqu’il les ferme. Et c’est énervant. Il pensait être passé à autre chose, lorsqu’il est revenu de sa célébrité, et qu’il est passé de fantasme à pote. Hyun pensait que ce serait facile, d’oublier toutes ses heures perdues devant l’ordinateur, à regarder les photos d’un Taewoon sexy sur scène. Et vraiment, juste, il espérait pouvoir retrouver son vieil ami, celui qu’il considérait comme son petit frère, avant. Mais non. Non, parce que rapidement, il a pigé, Hyun. Taewoon était plus un gamin, et il était en train de sérieusement devenir un homme. Un homme beau, intelligent, un peu borné, mais c’était pas grave. Parce que c’est ce qui faisait son charme, aussi. Et Hyun, qui croyait au prince charmant, bah il s’est pété la gueule sur une pierre incapable de voir ses sentiments. Et il lui en veut pas. Vraiment pas. Déjà parce que c’est un peu de sa faute, déjà de ressentir ça, en premier lieu. Puis surtout, surtout parce qu’il est incapable de lui en vouloir, à Taewoon. Incapable. Parce que Taewoon a pris cette place dans sa vie, qu’est genre, énorme. Et qu’il peut pas, veut pas, changer ça. Il a mal, que le blond réciproque pas ses sentiments. Et malgré ça, il les échangerait pour rien au monde. Parce que c’est Taewoon. Et qu’il l’aime. Beaucoup.
Il est assis à la même table que d’habitude, et s’étonne de pas être avec les même personnes que d’habitude. Enfin, s’étonne. Pas vraiment, en fait. Il sait pourquoi les gens l’évitent. Parce qu’il a ce syndrome de l’homosexualité, et que vraiment, ça dérangeait personne, tant que c’était juste “amusant”, de le voir aller à droite et à gauche. Sauf que depuis Taewoon, et il est le seul à connaître la raison, Hyun va plus loin, que ça. Il est pas un briseur de ménages, mais alors qu’avant il le faisait pas, il se convainc aujourd’hui que c’est pas de sa faute, si des gars en couple avec des filles viennent le voir pour “découvrir d’autres choses”. Et il sait que c’est pas bien. Il le sait. Mais well. C’est comme ça. Maintenant, les gens l’évitent. Ironiquement, la seule personne qui semble pas l’ignorer plus que de raison, c’est Taewoon. Même si, depuis sa crise de larme pitoyable, ils ont pas réellement discuté.
Il sort de ses pensées lorsque sa joue touche le pavé. Et c’est vachement violent. On l’y a poussé, et il a pas eu le temps de se défendre, ni même de voir qui l’avait mis par terre. Il a pas le temps de regarder qu’il sent un coup, dans son ventre. Et vraiment, la seule chose qu’il se demande, c’est “pourquoi ?”. Pas qui, parce qu’il y a pas cinquante mille personnes qui rêvent de lui exploser sa “tête de pd”, depuis qu’il a débarqué à la fac. Mais juste, pourquoi maintenant ? Alors qu’il est clairement dans un état second. Ah mais. Finalement. C’est peut-être exactement pour ça. Alors Hyun fait la seule chose qu’il peut bien faire, à ce moment précis, et se recroqueville. Et encaisse. Et sent les coups, partout. Au ventre, et au visage, et sur ses jambes. Et Hyun réagit pas. Parce qu’après tout, peut-être que ça lui passera l’envie d’embrasser son ami, la prochaine fois qu’il le croisera dans les couloirs.

Hyun ressent les coups, et sait qu’il aura mal. Sait qu’il va avoir des séquelles, déjà physiques, mais aussi psychologiques. Il avait déjà été appelé par tous les noms d’oiseaux possibles à imaginables, liés à son homosexualité. Mais jamais frappé, réellement. Ceci dit, Hyun a pas trop peur, non plus. Parce qu’il se connaît, il sait qu’il va finir par se dire qu’après tout, c’est pas grave, et c’est comme ça, et faut passer à autre chose parce que la vie continue. C’est aussi pour ça qu’il se défend pas. Parce qu’il sait que la douleur physique sera bien pire s’il le fait. Il sait déjà qu’il va avoir des égratignures, quelques écorchures. Il sait qu’il va avoir des bleus, plusieurs, et a pleins d’endroits différents. Oui, il le sait, tout ça, il est pas complètement imbécile, et connaît un minimum son anatomie. Il sait que les endroits qu’ils frappent, c’est des endroits dont il se sert pour marcher, pour sauter, pour courir, pour écrire, pour faire des choses qu’il fait tous les jours. Il se dit qu’il va avoir du mal à sortir les chiens, avec des côtes dans l’état dans lesquels ils vont les laisser. Mais il demandera à ses parents de faire des efforts, pour une fois, ils pourront bien faire ça. Puis, il demandera à Hwan. Qui, de même, fera bien ça, au moins une fois, pour lui. Il se demande comment il va réagir, d’ailleurs, Hwan, lorsqu’il apprendra que son grand frère s’est fait tabasser dans la cours du Campus. Et il se dit qu’il réagira probablement mal. Probablement violemment. Hyun décide qu’il ne lui dira que s’il a vraiment besoin de lui dire. Il veut pas déranger sa famille plus que de besoin, pire. Il veut pas l’inquiéter plus qu’il n’en ressent le besoin. Il reçoit les coups encore quelques secondes, mais entend vite une voix. Bien plus rapidement qu’il ne pensait en entendre une, finalement. Il se disait bien qu’un prof, ou un adulte allait arriver, et prendre position, pour le sortir de là. Il pensait pas que ce serait aussi rapide. Il fronce les sourcils, ceci dit, parce que la voix est pas celle d’un adulte. La voix semble même plus jeune que la sienne, à Hyun. Un élève ? Il s’attendait certainement pas à ce qu’un élève vienne lui filer un coup de main, vraiment pas.
Il sent un des types le lâcher, mais pas de façon intentionnelle, comme s’il avait été poussé. Et il sent les autres s’arrêter, petit à petit. Et merde, il est pas con, il sait ce que ça veut dire. Il pose sa tête par terre, lâchant une expiration un chouilla embêté. Il était prêt à encaisser les coups, Hyun. Il est vraiment pas certain que la personne qui est venu l’aider soit prêt à le faire aussi. Et Hyun refuse que quelqu’un prenne des coups à sa place. C’est pas comme ça que c’est censé se passer. Ce type vient de se mettre dans une situation délicate, et Hyun peut pas possiblement l’y laisser. Il entend les coups plus que ne les voit. Il met toute sa volonté à se relever, mais échoue lamentablement. Il essaye plusieurs fois de forcer sur ses abdos, mais la douleur est trop forte, trop violente, trop vivante, et c’est un échec total. Il entend une des voix s’élever, et ce qu’il dit lui fait rouler des yeux. Ils sont pitoyables, à penser que les mecs sympas qui aident les autres sont forcément homos. Ou est-ce que c’est parce qu’ils l’aident lui, qu’ils réagissent comme ça ? Enfin, l’un ou l’autre, c’est pitoyable, de toute façon. Il entend un bruit sourd, et tourne la tête, tant pis pour la douleur. Et il voit enfin le visage du type. Il est beau. Vraiment beau. Et si c’est pas du tout la priorité de juger de sa beauté ou non, Hyun le fait quand même. Parce que Hyun aime la beauté, c’est comme ça. Bon, y’a un peu de sang, un peu partout. Mais finalement, ça gâche pas tant la vue que ça. Ils continuent de le frapper un petit moment avant de se casser. Les enfoirés.
La voix du type retentit de nouveau, et Hyun hausse un sourcil, surpris. Il lui demande s’il va bien, alors qu’il vient de se faire tabasser après l’avoir aider. Qui qu’il soit, ce garçon, il est gentil. Très gentil. Un petit côté Zorro qui aime se prendre les coups pour la veuve et l’orphelin, mais c’est loin d’être déplaisant. Même si c’est pas forcément une qualité dans toutes les situations. Genre, dans cette situation là, en particulier, ça a mis sa vie en danger, et c’était débile. Mais Hyun hoche la tête, doucement. “Ça devait arriver un jour ou l’autre, je suppose.” Parce qu’après tout, depuis le temps où il reçoit des menaces, parce qu’il ose afficher son homosexualité à tout le monde, sans aucune gêne, il fallait bien qu’un jour, des personnes mettent ces menaces à exécution. Puis, il est pas mort, c’est déjà ça. “Et toi ? Merci de m’avoir aidé, mais c’était de la folie de t’en mêler comme ça.” Il pose la paume de sa main par terre, finalement, et réussit à réhausser un chouilla le haut de son corps. “J’ai vraiment eu peur qu’ils t’amochent plus que ça.” Il sourit, doucement, ajoute un clin d’oeil mi-amical, mi-flirteur. Parce que c’est comme ça, qu’il est, Hyun. Parce que face à un beau garçon, il pourrait avoir un pied dans la tombe qu’il sortirait des pick up lines à deux balles. C’est dans sa nature.