Personne ne s’imagine à quel point, cette journée peut être cruciale. Mon plan doit se dérouler à la perfection et sans cafouillage. Je m’étais préparée avec tellement de soins que je crois bien n’avoir jamais, autant m’y d’ardeur à la tâche. Tout était calculé, tout devait être parfait jusqu’au moindre détail. Malgré la pression que j’exerçais involontairement sur mes épaules, je paraissais parfaitement calme, détendue.  J’envoyais un message à Mei et à Chao, savoir qu’ils me soutenaient, me faisait un bien fou. Toutefois, je n’oubliais pas que tous deux, considéraient mon plan de vengeance, comme une très mauvaise chose. Mei, n’aurait jamais osé me le dire très clairement, mais Chao, m’avait plus d’une fois mise en garde, sur les risques que je prenais. Arrivant devant la porte de l’amphithéâtre , je fermais pendant un bref instant les yeux en expirant. J’étais à deux doigts de commencer le déroulement du plan et toute la réalité de la situation me revenait en un instant. J’aurai pu paniquer, m’enfuir, mais au lieu de ça, tout en souriant je franchis la derrière porte qui nous séparais.

A mon entrée, un silence se fit. Avant, plus jeune, je me serai sentie mal à l’aise, j’aurai voulu disparaître sous terre, fuir dans ma chambre me cacher sous mes couettes. Cependant, à présent, cela ne me dérangeait plus, la raison était simple, j’avais changé et la manière dont les autres me voyait avait fait de même. Je le cherchais du regard, pendant un instant je crus même ne pas le trouver, mais non, il était bien là. Seul, assis vers la porte. C’est avec étonnement que je constatais l’absence d’autre personne sur la rangée de sa table. Cela me laissait quelque peu perplexe, mais je m’estimais chanceuse, après tout, cela arrangeait parfaitement mes plans. Je n’avais pas du tout penser que j’aurai pu avoir une opportunité si évidente pour l’approcher. D’un pas déterminé je m’avançais dans sa direction, sous les rires gênés et les sifflements. Lui ne me voyait, il semblait plongé dans ses propres occupations. D’un côté, j’aurai aimé le voir réagir à ma présence et de l’autre je me disais que l’effet de surprise serait d’autant plus efficace. En m’installant sur la chaise à côté de lui, je sortis mes affaires de cours et les disposais sur la table. Je me tournais vers lui et en me penchant dans sa direction, je lui dis en souriant : « J’ai hâte que le cours commence ».

Nous y étions, au moment précis où la première manche allait se jouer. Il se tourna dans ma direction et pendant un instant j’ai cru que j’allais perdre le point. Cependant, au vu de sa réaction, de son incapacité à s’exprimer, je compris que mon plan se déroulait comme prévu. Je voyais son crayon du coin de l’œil rouler sur le bureau,  tant dis qu’il hochait la tête, sans rien dire. Je souriais d’autant plus que je sentais, avoir l’ascendant sur la scène qui était entrain de se dérouler. Alors que je continuais de le fixer, il détourna son regard pendant un instant. J’étais assez stupéfaite de le voir rougir de la sorte, je n’en espérais pas tant. Il recula, je sentais que ma présence, lui faisait plus d’effet qu’il ne voulait le montrer, ou même se l’avouer.  «  Euh … » Apparemment, il avait vraiment du mal à s’exprimer. Je devais reconnaître que cela me faisait un petit quelque chose, de voir que ma seule personne, suffisait à produire un tel effet. D’autant que ma stratégie semblait efficace en tout point. Il finit par me dire :  « Tu t'es peut-être trompé de cours, non ? » Vraiment ? Pour qui me prenait-il ? Une de ces stupides potiches sans cervelle. Enfin, qu’importe rien ne sert de s’agacer, son cerveau doit avoir du mal à fonctionner correctement en ma présence.   Il ajouta, comme pour s’expliquer : « Tu risques de pas comprendre grand-chose. », c’était amusant de le voir se tromper à ce point sur ma personne, si il savait qu’il allait devoir rester en ma présence, pendant tous les cours de toute l’année, je pense qu’il serait de nouveau sans voix. Il avait beau avoir détourné son regard, je sentais qu’il ne pouvait pas s’empêcher de poser les yeux sur moi. Pour ma part, je me permettais de le regarder sans la moindre gêne, sans la moindre discrétion. Il émit un raclement de gorge en attrapant son thermos, un arôme de café s’en échappa, puis alors que je ne m’y attendais pas, il me sourit. Un de ces sourires si spécial que même si on ne le veut pas, il nous fait frissonner. J’émis un léger rire, en lui disant sur le ton de l’amusement : « Il me semblait pourtant qu’il s’agissait du cours, pour les deuxièmes année en ingénierie  aérospatiale, mais je me suis peut être trompée. Je suppose que c’est le genre de chose qui peut arriver». Je me penchais sur le côté récupérant mon sac, je commençais à ranger mes affaires, attendant qu’il me retienne.

J’attendais qu’il me retienne, sans même savoir s’il le ferait. D’ailleurs, si il se décidait à ne pas le faire, avais-je un plan B ? Non, aucun, je n’avais pas prévu d’échappatoire à mon idée. Je réfléchissais à vive allure pour trouver un moyen de ne pas partir,  c’est à ce moment là qu’il attrapa mon bras, Je fus soulagée de savoir que je ne devais pas trouver une solution de dernière minute. Il me sourit en me disant : « le cours va bientôt commencer. », en rougissant il détourna le regard. Quand on le voit ainsi, timide et en même temps si avenant, on a du mal à se dire qu’il pouvait être si détestable, un parfait abruti. Cependant, malgré sa potentielle gentillesse, je gardais à  l’esprit ma mission, mon objectif très précis. Je ne pouvais pas me permettre une sortie de route, ni même de laisser son apparente gentillesse, me toucher. Je sentais toujours le contact de ses doigts contre ma peau, la chaleur qui s’en dégageait. Je ne fis rien pour qu’il me lâche, je n’en eu pas besoin car il le fit de lui même, en s’éclaircissant la gorge et en retirant ses lunettes. Il était mal à l’aise, troublé pour être plus précis. Je le sentais à sa manière de bouger, de respirer. Je le savais car ce n’était pas le premier mec à se sentir comme ça en ma présence, habituellement je m’en moquais, sauf qu’à présent, avec lui, je le vivais comme une revanche personnelle et cela, je n’aurai voulu le rater pour rien au monde. Il me surprit en me demandant : « Tu es nouvelle ? », semblant insatisfait de sa question, il se reprit de la manière suivante : « tu viens d'être transférée, je veux dire ? » Peut être que les autres accroissaient son malaise, sa nervosité car il agrippa le banc, avant d’ajouter : «  ça fait même pas un moi que je suis ici. je viens de Séoul. » En fait, il n’aurait même pas eu le besoin de me dire tout ça, car je m’étais suffisamment renseigné sur lui, pour savoir ce genre d’information, mais je devais jouer le change, faire comme si j’ignorai tout ceci. Il me jeta un bref regard en disant : « Je m'appelle Do Ji » Je fus assez étonnée qu’il ne donna pas son nom. Après tout, la famille Noh n’était pas n’importe quelle famille. Je m’étais attendue à ce qu’il la mette en avant, comme il l’aurait fait par le passé, comme pour me prouver qu’il n’était pas n’importe qui. D’ailleurs, il m’avait été assez difficile d’obtenir des informations sur sa famille et les quelques données que j’avais accumulé, étaient très peu satisfaisantes. La famille Noh semblait une famille entourée d’un voile de mystère difficile à percer. J’allais devoir me montrer ingénieuse, si je voulais en savoir plus à leur sujet.

Je n’eus pas le temps d’approfondir mes pensées que la porte s’ouvrit, laissant au professeur le moment de débuter son cours. En jetant un regard à Do Ji, je dis : « J’ai habité Seoul quand j’étais enfant, mais je reviens de Chine, où j’ai passé quelques années là bas. C’est marrant, comme le temps passant les choses peuvent à la fois avoir l’air immuables et comme elles sont à la fois, complètement différentes. » Je suivais le cours, comme les autres, mais je sentais bien le regard de mon voisin, se porter plusieurs fois sur moi, il ne pouvait pas s’empêcher de le faire. Surtout, il avait une irrésistible envie de me regarder. Je sentis ses yeux descendre le long de mon corps pour se porter sur le bas de ma jupe. Intérieurement je me félicitais de l’avoir choisi, c’est vrai qu’elle était très jolie, d’un rouge vif et profond qui attirait l’œil. La longueur, si courte, n’était pas pratique pour s’asseoir ainsi, sans prendre le risque d’en montrer un peu trop, mais cela ne me dérangeait pas, bien au contraire. Je le vis déglutir et j’éprouvais à mon tour, cette légère tension qui nous entourait. Je me sentais à la fois fière de mon idée et en même temps, troublée par le regard qu’il posait sur moi. En vérité, je m’étais toujours attendue à ce que atteindre le cercle rapprocher de Noh Do Ji fut dur, mais j’avais réussi une approche si parfaite que je croyais presque rêver. Je ne pu m’empêcher de sourire, en croisant mes jambes. Je savais que cela aurait pour effet de tirer sur le tissu, le remontant ainsi encore un peu plus, mais cela je le réalisais  de façon anodine. C’est à ce moment que mon stylo me lâcha, refusant d’écrire d’avantage. Il fallait toujours prévoir ce genre d’astuce, c’était un bon moyen de s’adresse à son voisin de manière à lui faire croire que cela était totalement involontaire. En vérité, des stylos j’en avais d’autres dans mon sac, mais me penchant une fois de plus sur mon voisin pour lui murmurer à l’oreille: « Je t’emprunte ton stylo, le mien n’a plus d’encre », je m’appuyais légèrement contre lui, et en tendant le bras je pris le sien. Je souris, en reculant et ajouta sur mon carnet quelque notes.

« Tu peux le garder . », me dit-il en chuchotant, le regard tourné vers moi. Après ça, j’ai passé le plus clair de mon temps à prendre des notes avec son stylo. Également, a gigoter, pour le perturber, car il semblerait que cela fonctionne particulièrement bien sur lui. Il m’arrivait inconsciemment de mettre son stylo dans ma bouche, avant de me rappeler que ce n’était pas le mien, même s’il m’avait dit de le garder. Je trouvais ça un peu bizarre d’ailleurs, si je me déshabillait là, à l’instant, ferait-il de même pour me donner ses vêtements?Quoiqu’il en soit, de temps à autre je passais une main dans mes cheveux, le geste avait tendance à attirer son regard, ce qui était fort pratique. Je crois que je pouvais dire qu’il aimait bien ma présence, en tout cas, il aimait me regarder lorsque j’étais assise, à côté de lui. Il me souriait assez souvent, ce qui me laissait également penser que partager son bureau, avec sa charmante voisine de table était loin d’être un problème.

A la fin des cours, le professeur quitta l’amphithéâtre, suivi de près par une ribambelle d’élèves. Moi, j’attendais que mon voisin de table, finisse de ranger ses affaires, tout en cherchant un moyen de rester le plus longtemps possible avec lui, mais je commençais sérieusement à manquer d’inspiration, c’est à ce moment là qu’il me dit : «  Tu ... » J’avais envie de sourire en remarquant qu’il avait toujours du mal à s’exprimer, ça changeait de son éternelle arrogance, quand nous étions plus jeune, il finit par poursuivre : «  Tu ne m'as pas dit comment tu t'appelais. » C’est vrai, mais qu’il me le précise, me laissait supposer qu’il était un minimum intéressé pour en obtenir l’information. " Veux-tu que je te fasse visiter le campus ? " Timidement, il me souriait, tout en ne me détachant pas du regard.  Je pouvais me féliciter pour mes nombreuses tentatives, afin de garder son esprit focaliser sur moi, cela avait porté ses fruits, bien plus que je l’avais espéré. Visiter le campus ? C’était une opportunité à ne pas rater. Moi qui déteste la pluie, j’aurai bien été capable de rester dehors, sous une averse torrentielle, juste pour avoir une chance de poursuivre le plan.  Je lui souris en répondant : « Je m’appelle Park Hyun-Ae », en commençant à ranger mes affaires, je poursuivis : « Je veux bien que tu me fasses visiter le campus, c’est vrai que ce n’est pas facile de s’y retrouver. » Une fois mes affaires ranger et mon sac en main, je reportais mon attention sur lui : « C’est étonnant qu’en étant de Seoul tu sois venu ici, un choix de cursus pour étudier ici et pas là-bas ? ». Je devais avouer que j’avais besoin qu’il m’apporte un minimum d’informations de lui-même, car il était assez dur d’en trouver par soi-même.

« Hyun Ae » il me sourit. Pendant un bref instant mon cœur s’accéléra, en imaginant, en redoutant qu’il me reconnaisse, mais ce ne fut pas le cas. Je ne sais pas vraiment ce que j’aurai fait s’il m’avait reconnu, car je n’avais pas prévu que cela puisse arriver. C’était pour moi, tout simplement impensable, inimaginable. Il attrapa son sac à dos et celui de son ordinateur portable, avant de me faire signe d'avancer en premier, ce qui m’étonna.

« Pas du tout. » En me disant cela, il plia son bras pour gratter le haut de son dos, avant de poursuivre :«  Jusqu'à récemment, j'étudiais à Séoul. » Là encore, il ne m’apprenait rien, pour avoir parcouru les trois quart de sa scolarité avec lui. De plus, c’était le genre d’information très facile à obtenir, donc même si je ne le savais pas déjà, je l’aurai su, avant même qu’il ne me le dise.  «  C'est mon frère . » Je savais déjà auquel de ses frères il faisait référence, ce genre de chose n’échappait à personne. Les histoires de famille étaient su de tous et les commérages, aimaient colporter ce genre d’histoire. Il ferma les yeux, il me paru triste, pendant un court moment, ce qui me surpris. Do Ji, enfin, celui que j’avais connu ne rentrait pas vraiment dans le cadre émotif, à mes yeux, il ne revêtait que le manteau de la moquerie, de la méchanceté humaine. «  Il étudie aussi ici. » Il se mit à rire, en poursuivant : « Enfin, il profite de la vie plutôt. » De ce que j’avais cru comprendre Do Jin était plutôt connu pour sa tendance, à profiter de tout ce qui n’était pas scolaire. Les sorties, les soirées ça semblaient bien le connaître. A vrai dire, je ne le connaissais pas personnellement, donc je n’aurai su définir à bien des égards le caractère du frère de Do Ji. Je supposais qu’il ne fut pas le même que celui qui, se tenait à présent juste à côté de moi. En me tenant la porte, il ajouta : « Puis, c'est assez sympas. » Je souriais, mais intérieurement, je commençais à me demander s’il n’avait pas un problème. Pourquoi veillait-il à ce point à marquer une certaine distance entre lui et moi ? Cela me fit penser au fait que je l’avais trouver installer seul en cours, juste un peu plutôt. Etait-il possible qu’il craignait qu’on le touche ? Cela manquait de sens, certes, je ne l’avais pas toucher, effleurer,  à peine un peu plutôt et cela n’avait pas semblé le déranger outre mesure. De plus, ne m’avait-il pas  retenu en agrippant mon poignet tout à l’heure ? Quoiqu’il en soit, je notais l’information dans un coin de ma tête. Cela il ne fallait pas que je l’oublie, il y avait peut être des informations à en obtenir.

Perdue dans mes pensées, je faillis ne pas remarquer son arrêt. Il me demanda : « Tu veux visiter quoi en premier ? Les labo, la cafétéria ? » J’aurai préféré qu’il choisisse à ma place, cela m’aurait sans doute épargné, une minute de réflexion pour choisir ce qu’il y avait de mieux entre ces deux options.  Il ne me laissa pas le temps de répondre qu’il ajouta : « Et toi? Pourquoi Busan à la place de rester en Chine. Leurs cours sont meilleurs que les notre, non ? » Ah la Chine, j’en aurai presque soupiré tant elle me manquait, autant que Mei me manquait. Passant devant une fenêtre, il me désigna un grand bâtiment, en me disant : «  Je loge là bas. Et toi ? » Nous avancions, il circulait en esquivant les autres, cela ne me surprenait plus à présent, il avait vraiment un problème là dessus. Je lui répondis en souriant, mimant l’étonnement : « Oh ! C’est vrai ? Moi aussi je loge dans ce bâtiment ». Passant une main distraite dans mes cheveux j’ajoutais sur un ton, un brin excité par l’idée : « Ce serait super si on pouvait allé voir les labo’ ». En continuant d’avancer, je réfléchissais à quoi lui répondre concernant mon arrivée ici. Jusque là, je ne lui avais pas menti, ou de façon parfaitement anodine. Je cherchais une réponse adaptée, mais n’en trouvant pas vraiment, je répondis en toute franchise, sur un ton moins joyeux que je ne l’aurais voulu : « J’ai des affaires à régler en Corée, il me semblait plus simple d’y poursuivre ma scolarité... ». Pendant un instant, un voile de tristesse traversa mon regard. Me reprenant, je dis sur un ton nettement plus joyeux : « Enfin, peu importe », je ne savais pas, si il avait remarqué mon léger changement. Afin d’éviter le risque qu’il ne le garda en mémoire, dans le but de le déstabiliser, je le questionnais en le regardant sans la moindre hésitation, avec une franchise déconcertante : « Tu as une petite amie ? »