L'Histoire Elle portait une blouse blanche, à la fois sobre et élégante. Ses longs cheveux bruns avaient été suspendus en queue de cheval sur le sommet de sa tête. Elle espérait que son maquillage discret mais très distingué jouerait en sa faveur d'un point de vu totalement stratégique. L'ensemble du jury était composé d'hommes entre trente et quarante-cinq ans. Des hommes présents pour la noter et pour juger l'étendu de ses capacités dans la phase pratique de son épreuve finale. Elle touchait presque à son but ; devenir vétérinaire. Cela pouvait paraître déloyal pour certaines, mais pourquoi se priverait-elle de ses atouts physiques ? Elle ne possédait pas le moindre décolleté, ni le moindre vêtement pouvant laisser entrevoir une partie de sa peau. Rien qui puisse paraître vulgaire. Elle s'était juste suffisamment apprêtée pour ressortir du lot. Tous les moyens étaient bons pour se mettre les jurés en poche. Elle espérait qu'ils plaideraient en sa faveur une fois qu'elle leur aurait prouvé comment elle s'y prenait pour ausculter un animal et le mettre ne confiance. Pippa s'était sentie en confiance durant la phase théorique. En toute logique, cette épreuve serait pour elle une promenade de santé !

Elle s'imaginait déjà tout sourire, avec son diplôme et son badge attitré, avec pour logo celui assigné aux docteurs vétérinaires. Avant même de débuter l'examen, la native de San Diego retourna rapidement dans la pièce voisine pour passer ses mains sous l'eau tiède et les nettoyer avec précaution. A ce stade de l'épreuve, plus personne n'avait le droit à l'erreur. Ils pouvaient bien évidemment perdre des points à cause d'un oubli aussi stupide ! Ainsi termina t-elle cette mesure d'hygiène qu'elle releva la frimousse devant le miroir qui lui faisait face. Contre toute attente, ce qu'elle vit provoqua chez elle un cri terrifié qui ramena diverses inconnues tout autour d'elle. Ce n'était plus face à un lavabo mais devant le miroir d'une cabine d'essayage qu'elle se trouvait. Mais pas dans n'importe quelle tenue, ni dans n'importe quel endroit… Pippa avait atterri dans une boutique de robe de mariée ! Elle se présentait avec l'une d'elle. Une robe sublime, d'un blanc irréprochable, avec un effet drapé au niveau de la taille… Semblable à une princesse jusque dans les moindres détails. Ses cheveux ordinairement longs et lisses avaient été soigneusement ondulées, en plus de recouvrir l'intégralité de ses épaules. Mais que s'était-il passé à l'instant ? Comment avait-elle pu se projeter dans cet endroit ? Complètement en panique, la jeune femme se détacha des vendeuses pour ressortir de la cabine, à cela près de s'entremêler les pieds dans cette robe inestimable et au prix exorbitant ! Elle poussa un petit hurlement à l'apparition de ses escarpins argentés et pour lesquels elle aurait pu fragiliser… Même son maquillage avait été modifié !

Plus rien n'avait de sens en cet instant. Pas même l'apparition de sa propre mère – logiquement en Californie – mais manifestement bien présente, pour accourir vers elle. Si la voir la rassura pendant l'ombre d'un instant, ce ne fut vraiment, que pendant un court instant. A peine s'était-elle jetée à l'intérieur de ses bras que sa mère la repoussa pour déposer sa main sur son front et prendre sa température. « Que t'arrive t-il mon cœur ? Tu n'as pas de fièvre… C'est la robe qui ne te plais plus ? » - « Qu… Quoi ? Maman, explique-moi ce que tu fais ici ? Il se passe quoi ? J'étais en train de passer mon examen… Pourquoi je porte cette robe ? » Elle venait de vider son sac. De lâcher tout ce qu'elle avait sur le cœur. Toutes les femmes ainsi présentes poussèrent de grandes exclamations qui la firent se sentir encore plus penaude qu'elle ne l'était. Sa mère la toisa avec cette même expression grave, alors qu'elle la soutenait dorénavant par les épaules. Très fortement. « Mais voyons Pippa, ça fait un mois que tu as passé cet examen ! C'est la raison pour laquelle nous essayons plusieurs robes pour ton mariage ! Tu dois te marier la semaine prochaine… Est-ce que tu es sûre que tout va bien ? » Comment ?! Se marier, dans une semaine ? Non, ça ne pouvait pas être maintenant… « Maman, j'étais sur le point de passer mon épreuve. Je dois y retourner, c'est très important ! » Elle ne pouvait pas être déjà diplômé. Elle ne pouvait pas…

Elle s'en souviendrait… Et elle refusait de croire que tout cela était vrai et qu'elle s'unirait à cet homme qu'elle n'appréciait guère ! Et tandis qu'on rechercha à lui bloquer le chemin, la future mariée se projeta hors de la boutique, résolue à quitter au plus vite cet endroit de malheur… Quitter cet endroit, par le biais de cette porte qui la mènerait vers un autre lieu. Mais pas celui qu'elle espérait. A peine eut-elle de comprendre ce qu'il lui arrivait qu'elle se retrouva dans l'église, des invités de prestige pour se retourner à son apparition... Et tout au bout de l'autel se tenait l'homme qu'elle devait épouser… Elle le vit, vêtu dans son plus bel ensemble, d'un blanc tout aussi immaculé. Sauf qu'il n'avait rien d'un prince charmant. Bien au contraire, il avait l'air d'un monstre. Le diable personnifié ! Il était hors de question qu'elle épouse un type pareil. Elle voulut bien rebrousser chemin… Mais ce fut comme si le sol s'était soudain agité sous ses pieds. L'attraction terrestre sembla la projeter de force face à cette destinée dont elle ne pouvait plus y échapper. Cette fois, y était-elle ? Était-ce vraiment la fin de tout, de sa vie ? Elle voulut hurler de toutes ses forces lorsque le visage de cet homme se rapprocha avidement du sien. Seigneur, non. Ca ne pouvait pas se passer comme ça...

« NON ! » hurla t-elle, en se redressant en sursaut au beau milieu de la nuit. Les larmes n'avaient pas cessées de perler sur son visage. Elle était même recouverte de sueurs froides. Totalement tétanisée… Et l'unique pensée qui la traversa en réalisant qu'il ne s'agissait que d'un mauvais rêve était d'avoir réveillée sa colocataire et meilleure amie à Busan. « Kyô... » bredouilla t-elle dans un sanglot étouffé alors qu'elle ramenait son oreiller contre son visage. Elle l'appelait mais elle n'osait pas non plus se faire entendre, si tentait, elle dormait toujours depuis l'autre côté de ce mur. Pippa avait honte. Jamais personne ne la voyait dans cet état. Encore moins Kyô, qu'elle ne souhaitait pas déranger… Mais là, tout ce qu'elle voulait, c'était câlin et une présence réconfortante, et humaine. Ce rêve avait été le plus horrible de toute sa vie. Et le pire, c'est qu'elle était persuadée que la réalité s'y rapprocherait trait pour trait… Vraiment, elle n'avait pas hâte d'être dans cinq ans… Elle ne voulait plus quitter Busan.