Je répétais ces gestes machinalement, presque inconsciemment tant je les avais déjà exécutés. L’odeur du café moulu, des pâtisseries et viennoiseries qui sortaient du four, les parfums des clients qui pressaient le pas pour prendre leur dose quotidienne de café derrière le comptoir… Autant de chose auxquelles je ne faisais pas attention et qui soudainement envahissaient mes sens pour les saturer. L’esprit rongé par la culpabilité et le chagrin, je me trompais, dans les commandes, dans les paiements, et quelques fois c’était un gobelet plein qui s’échouait sur le sol et dont je regardais le liquide se déverser sans même bouger. « Shi Yoon mais va prendre une serpillère ! Ne restes pas là ! » La remarque fusa et acheva de me tirer de ma léthargie, mais mon cœur lui, restait pincé. Je nettoyais mes erreurs, et je ne pus m’empêcher de penser qu’il y en avait une que jamais je ne pourrais rectifier. Quelques jours seulement s’étaient écoulés depuis notre dernière discussion, ou plutôt notre dernière dispute. J’avais scellé son destin comme le mien, et si j’avais décidé de m’éloigner, le silence était une torture. Une souffrance que j’étais prêt à endurer si cela voulait dire que je pouvais lui offrir une vie loin de tout conflit. Je l’avais sciemment éloigné de la ligne de tire d’un territoire dont il était aux commandes. C’était la meilleure décision à prendre… Je me répétais ce litanie en espérant, priant pour qu’elle puisse reprendre le cours de sa vie sans moi. Comme elle l’avait toujours fait avant que je ne vienne la briser. Les yeux rivés au sol, je n’avais pas remarqué la prochaine cliente et amie. « So Yeon ! Je… vas t’asseoir je t’apporte ça ! » Involontairement, je tournais en rond dans l’espace confiné où s’alignaient les machines et j’en tirais un café, sans grande force et sans grande conviction. Sous l’œil médusé d’un supérieur que je voyais soupirer à chacun de mes gestes, je parvenais néanmoins à faire le premier café d’une longue journée. « Shi Yoon… prends une pause. » « Non ça va, je vais bien ! » « Tu as renversé une dizaine boissons depuis ce matin, vas prendre une pause où je vais devoir fermer boutique avec tes erreurs ! » Contraint au repos, j’enlevais le tablier et la casquette pour porter son café à la coréenne et m’asseoir à sa table par la même occasion. « Je peux partager ton espace un moment ? » D’ordinaire précis, j’étais rigoureux dans mes deux emplois, et ma maladresse soudaine me rongeait à petit feu. Incapable d’oublier ce qui affligeait mes pensées, je ne pouvais rien faire d’autre que m’en vouloir et me maudire intérieurement.

Tu avais quelques amis autour de toi, pas nombreux mais assez pour faire de ta vie un peu plus qu'un travail ambulant. Tu prenais souvent du temps chez Sanjay pour finir tes dossiers, tu profitais de Shi Hyun pour passer des moments plus funs et Shi Yoon pour un bon café ,un peu de nostalgie et une amitié d'années durant. Un ami, qui fut bien plus, une place spéciale qu'il avait et qu'il aurait toujours en amitié. Non pas comme un frère mais celui qui restait à nos côtés quoiqu'il arrivait. Tu étais donc bien entourée. Bien entourée mais tout te semblait étrange. Ces derniers temps il ne semblait pas qu'un seul de tes amis ne soit dans sa condition "normale". TU les connaissais, certains pour les connaître depuis des années durant, mais aucun n'agissait comme ils avaient l'habitude de faire. Sanjay qui se perdait dans ses propres dossiers incapable de se concentre, Shi Hyun qui venait couvert de sang et maintenant Yoon.
Le sourire aux lèvres tu étais entrée et tu l'avais vu, distrait , nettoyant des maladresses qu'il avait du commettre alors qu'il était passé maître dans cet art qu'était le café. Tu l'avais alors regarder un moment en tenant ton sac d'une main, te sentant désemparée par la vision presque unique que tu avais. Depuis quand n'avait il pas été ainsi? Tu t'attendais à ce qu'il remarque ta présence mais tu dû attendre un bon moment avant de voir ses yeux couler sur ta personne. Toujours souriante tu le perdis lorsqu'il te parla avec hésitation. Qu'avaient ils tous ? Un dérèglement hormonal masculin ? Qu'on te donne le coupable. Secouant alors doucement la tête tu le saluas rapidement avant d'aller t'asseoir posant ton sac à terre alors que tes yeux restaient braqués sur le coréen à la carrure atypique. Qu'est ce qu'il lui arrive ? Croisant alors les bras en plissant les yeux tu fis fonctionner ton cerveau encore en éveil grâce à tes insomnies mais qui n'allait pas tarder à devenir pâteux. Lorsqu'il arriva tu le regardais en prenant alors le café qu'il avait finalement réussi à te faire. " Bonjour Shi Yoon, je vais bien merci, merci pour le café. Prenant une gorgée d'un café que tu avais connu succulent et qui n'était plus que l'ombre de lui même tu reposas la tasse soupirant doucement avant de te lancer. " Alors qu'est ce qu'il se passe ? " Inutile de lui permettre de s'asseoir il avait l'habitude et tu ne pensais pas qu'il aurait besoin d'une autorisation écrite ou même vocale. Buvant alors ton café avec lenteur tu attendais des explications qui, tu l’espérais, arriveraient assez vite.
" Je te préviens de suite que le : rien , est à proscrire. Je te connais tu me connais, on se connait va droit au but. " Ton sourire était le même mais tu disais avec cette honnêteté et cette vitesse ce que tu attendais de lui, ne perdant pas de temps ainsi.

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Était-ce la fatigue qui tendait mes muscles ? Ou simplement une conscience affligée par cette image, ces mots qui tournaient en rond dans ma tête, une tempête que j’étais incapable d’arrêter. Peu importait que je prenne une pause, que je souffle pour ne laisser s’échapper qu’un soupire lourd de sens et brûlant. Il filtra mes lèvres accompagné de cette douleur devenue quotidienne, ce poids sur ma poitrine, cette culpabilité qui m’étreignait et se rappelait à moi à chacun de mes gestes. J’en oubliais toutes les convenances, le respect et la politesse par égard pour celle qui fut la première à partager quelques instants volés. Mais si j’étais distrait, So Yeon était égale à elle-même et sa remarque ne manqua pas d’enfoncer un peu plus la lame qui poignardait ce cœur que j’avais meurtri de moi-même. « Oh, excuses-moi, comment vas-tu ? » lâchais-je sans même y prêter attention. La question n’était qu’une façade derrière laquelle je tentais vainement de me cacher, espérant me concentrer sur autre chose. Oublier ? Même avec tous les efforts du monde, je n’y parvenais pas, et le voulais-je seulement ? « Comme d’habitude, juste la fatigue de mon combat d’hier soir, c’est tout. » Raclant ma gorge, je savais que la juge ne serait pas satisfaite si aisément d’un mensonge balancé aussi pathétiquement. « Et toi ? Du nouveau dans les tribunaux ? » Distraitement, j’attrapais mon gobelet pour le porter à mes lèvres, humer le parfum amer du café noir dans lequel je m’astreignais à noyer une nervosité certaine. Mais il me suffit uniquement de croiser son regard pour y lire la détermination sans faille dont elle savait faire preuve. Ce visage que je connaissais depuis de nombreuses années, cette amie qui avait partagé mon chagrin il fut un temps, et l’idée saugrenue me traversa l’esprit. De lui faire confiance, peut-être même de tout lui dire, comme je l’avais fait un temps, lui avouer et expier mes fautes ? T’es ridicule mon pauvre Je cherchais le pardon au mauvais endroit et la seule qui pouvait m’absoudre de mes pêchés était celle à qui je venais de détruire la vie.

Il n'était pas rare pour toi de voir des personnes dévastées. Des gens qui avaient tout perdu ou qui allaient tout perdre. Un sentiment qui ne pouvait être compris qu'en étant vu longuement ou vécu. Et petit à petit tu avais compris que cette douleur était une vraie plaie qui pesait sur la personne. Tu avais connu ce moment de doute, celui qui vous faisiez douter de votre futur de ce que vous faisiez et ceux que vous aimiez. Et même celui qui vous faisiez douter de vos propres sentiments. Mais jamais tu n'avais été comme Yoon, à porter ce fardeau qui semblait bien trop lourd le laissant se perdre dans des pensées que tu n'imaginais pas joyeuses alors qu'il semblait perdre le sens des réalités. Un homme bien occupé qui n'avait cependant jamais failli à ses tâches. Ce qui lui trottais dans la tête devait donc être d'une importance capitale, et c'est ce qui te fit peur. Hors tu n'utilisais plus l'inquiétude pour communiquer. Tu passais par la taquinerie, la gentillesse.. et aujourd'hui ce fut la taquinerie qui prima, en voyant cet air sombre sur son visage. Mais cette question qu'il s'obligea à poser semblait sonner bien faux. Allais tu seulement répondre? Tu doutais qu'il y voit quelque chose et même qu'il en ait quelque chose à faire. Ce jeune homme te cachait ce qu'il pensait et la réponse qu'il te donna ne te satisfaisait en rien. L'air soupiré entre tes lèvres provoqua alors un bruit bien significatif. Il devait le savoir, tu n'allais pas laisser passer l'excuse bidon. "je ne sais pas ce que tu n'as pas compris dans je te connais. Yoon ça passera pas.. à moins que tu veuilles rester dans ce mal qui t'entoure.. ça fait presque fuir les clients " Dis tu en souriant le faisant regarder autour. Tu n'étais pas prête à lâcher le morceau. Même si ça n'allait jamais dans les tribunaux et que tu aurais pu parler pendant des heures. " Oh la routine on voit de tout .. et même de l'inédit ce qui est très surprenant " Si tes paroles étaient rapides et concises c'était pour entendre la vraie histoire qui se cachait derrière la mauvaise mine du sportif. Buvant alors lentement ton café tu t'adossais bien à ta chaise en attendant. " Aller.. dis moi. tu sais que je ne dirai rien, je ne te jugerai pas et ça te ferai du bien " Autre la curiosité tu t'inquiétais vraiment pour lui. Tu te demandais ce qui c'était passé pour qu'il soit dans cet état. on ne mettait pas facilement à terre ce champion. Ta main se posa alors naturellement sur la sienne. " Yoon.. vide ton sac , je te vois tu es en train d'imploser. " Et rien n'était plus dangereux que le mal qui nous rongeait intérieurement , faisant de nous des marionnettes vivantes, pour finir en simple corps.

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