Seule, j'étais venu dans ce bar. J'aurai du voir Chao, mais il venait de me prévenir qu'une affaire urgente l'avait retenu à Seoul et qu'il devait partir dés demain, pour la Chine. Quel crétin! Comment osait-il abandonner nos projets! Il s'était excusé, m'avait dit ne pas avoir le choix, le travail était les affaires et que son père ne comprendrait pas qu'il annule un rendez-vous urgent pour me voir. Je savais pertinemment tout ça, mais ça ne pouvait pas m'empêcher, de me sentir vexée, d'avoir été abandonnée de la sorte par mon ami. Il avait promis qu'à son prochain voyage en Corée, il viendrait me voir, mais ne sachant pas quand cela aurait lieu, il lui était facile de me promettre une telle chose. Oh qu'importe! Je sirotais tranquillement mon verre, puis lorsque je l'aurai finis, je rentrerai chez moi. Cependant, c'était avant que ce type ne débarque à côté de moi, en me disant un brin ivre: « Eh... Ca te dérange pas si j'te parle un peu ? C'est pas grave si t'écoute pas, j'ai juste besoin de parler. Fais pas gaffe, toute façon, on se recroisera sûrement pas. » En fait, de un, il ne me laissait pas vraiment le choix, en venant s'installer à côté de moi et de deux, j'étais tellement stupéfaite que ce type osait s'adresser à moi avec une telle nonchalance que j'en restais sans voix, à le regarder un brin exaspéré. Peu importe, ce que je pensais, il se mit à râler, à voix basse, parlant de choses et d'autre, un peu comme si je n'étais pas vraiment là. Oh mais qu'est ce qu'il parlait! C'était pas possible, une vraie pipelette! J'écoutais d'une oreille distraite la majeur partie des informations qu'il me donnait en vrac:  musiques, jumeau, nul en comparaison, les roues de vélos, les regonfler. Cyniquement je me dis qu'il n'avait que des sujets passionnants à raconter.

Puis se fut le moment le plus intéressant qui tomba: « Y'a un artiste que ma sœur écoute, il est trop beau, ça m'saoule. » A ces mots mon cerveau se mit littéralement en alerte, ça sentait le sujet croustillant à plein nez, si je ne m'abusais pas. Je n'écoutais plus un traite mot de tout ce qu'il me racontait, trop focalisée à réfléchir sur ce qu'il venait de me dire juste avant. Je fis signe au barman, finalement j'allais rester un peu plus longtemps. « On va vous prendre une bouteille de Soju. » Une fois notre commande servie, je reportais mon attention sur le jeune homme qui se tenait à côté de moi, en lui servant un verre, je dis amicalement: « Quand tu dis, un artiste beau, tu veux dire genre agréable à regarder? » Il était certainement trop ivre pour se rendre compte de mon soudain intérêt, trop ivre aussi pour faire vraiment attention à ce qu'il me racontait.

Pendant un instant, alors qu'il fronçait les sourcils, je me dis qu'il n'allait pas me répondre, ou alors qu'il m'enverrait promener. Au lieu de ça, il but une gorgée du Soju servi, chose qu'il n'aurait sans doute pas du faire, son état d'ébriété risquait fort de s'aggraver. N'était ce pas un peu déplacée de ma part de penser ça, alors que c'était moi qui avait commandé cette bouteille? Si bien sûr, mais je n'avais jamais dit que je n'étais pas contradictoire. Il finit par me répondre, l'esprit sans doute un peu confus:  : « Oui... J'crois... »

A présent c'était moi qui bu mon verre d'une traite, mais je n'étais pas ivre pour ma part. J'avais tout mon esprit, toute ma capacité de réflexion. D'ailleurs, je n'étais que très rarement dans un état d'ébriété avancée. Les fois où ça m'était arrivée, j'étais en compagnie de Chao ou même de Lee. En y regardant de plus prêt, ce gars avait peut être bien quelque chose qui me rappelait Lee, un petit je ne sais quoi qui le rendait sympathique, alors qu'au fond, je ne le connaissais absolument pas. Le gars, reprit une gorgée de Soju avant de poursuivre: « J'ai pas le droit d'penser ça, c'est mal...» Personnellement fantasmer sur des artistes dont le physique avantageux avait de quoi vous faire emballer votre petit cœur, je trouvais ça tout à fait normal. Cependant, je comprenais bien où il voulait en venir, il ne parlait du fait de fantasmer sur un parfait inconnu, mais le fait qu'il s'agissait d'une personne du même sexe que lui. Il est vrai que dans la société actuelle, cela pouvait s'avérer parfois compliqué. Il se tourna vers moi, confus, sans doute un peu par l'alcool et peut-être par son propre trouble intérieur, dû fait de son attirance pour la gente masculine. Si j'avais songé qu'il était plus vieux que moi, le regard qu'il me lançait à présent, me faisait l'effet d'une sensibilité enfantine. Quelque part, il ressemblait à Lee, bien plus que je ne l'avais imaginer au premier abord. Il me demanda: « T'aimes les filles toi ? »

La réponse était claire, et simple : Non. Je n'avais même jamais songé à une fille comme je pouvais voir un mec. Si j'éprouvais pour l'un, une attirance à la fois physique et il est vrai sentimentale, bien que je n'avais été amoureuse qu'une seule fois. Pour l'autre, je n'avais jamais connu le moindre intérêt autre qu'amical. Il s'affala sur le bar, je ne savais pas qui: de l'alcool ou du sujet épineux abordé, le plongeait dans un état morose, peut-être un peu des deux. En buvant de nouveau une gorgée de Soju je répondis amusée : « Non, je suppose que je peux comprendre pourquoi tu aimes bien les mecs ». En passant une main dans ses cheveux, les caressant comme je l'aurai pu le faire pour un enfant blessée, j'ajoutais doucement: « Tu sais, ça n'a rien de si mal. » J'étais peut être une parfaite petite fouineuse, toujours à chercher la moindre information qui pourrait servir mes propres intérêts, j'avais également une certaine sensibilité, un certain lien avec le sentiment que l'on pouvait éprouver en s'estimant à tord, différent. Moi aussi, par le passé j'avais eu l'impression que ma différence était une honte. De ma main libre je bu une nouvelle gorgée de Soju, avant d'ajouter: « Je ne suis sans doute pas une spécialiste, mais je crois qu'on peut dire que quand on aime, on ne choisi pas vraiment... »

« Ca aurait été mieux, de choisir... »

C'était probablement ce que je m'étais dit, plus jeune, lorsque j'étais tombée amoureuse de Do Ji, surtout lorsque j'avais eu le cœur brisé. Sur le moment, on est trop aveugle pour voir ce qu'il y a de pire chez l'être aimé. Si j'avais pu choisir, probablement que mon monde serait bien différent d'aujourd'hui, probablement que je ne serais pas la même personne non plus. C'était étrange, de se dire qu'une chose pour laquelle on ne pouvait rien, avait autant d'emprise sur nous. C'était parfois pitoyable de songer à quel point, on pouvait se briser aussi facilement. Je continuais de le regarder fixement, ce gars avait l'air vraiment mal avec cette histoire. Il se confiait à moi avec tant d'innocence, certainement due à l'alcool. Pourtant, je n'étais pas la meilleure personne pour le conseiller, ni-même pour l'écouter avec une totale bienveillance.

« C'est quoi ton nom sinon..? »

Je le regardais toujours fixement, ne sachant pas vraiment si je devais lui répondre honnêtement. J'aurai pu mentir, ou même ne pas répondre à sa question, ce qui en soit n'aurait pas été un problème. Alors il rouvrit les yeux pour me regarder et une idée me vint en tête, tant dis que mon cerveau tentait de décortiquer toutes les éventualités possibles et leurs conséquences. Je pouvais lui donner mon identité, il serait par la même obligée de me donner la sienne, au risque de paraître impolie s'il ne le faisait pas. En vérité, avec tout ce qu'il venait de me dire sur lui. D'autant que cela semblait un secret qui devait en demeurer un, il pourrait se montrer utile. Bien que je n'avais pas encore imaginer en quoi, il pourrait se montrer serviable. Peu importe, il valait mieux avoir une carte dans son jeu dont on ignorait totalement son atout, plus que ne pas en avoir du tout. De plus, je lui trouvais un côté attachant qui me faisait penser à Lee. A cette pensée, je souris en disant:

« Je m'appelle Park Hyun-Ae et toi? »

Il me sourit gentiment, peut être aussi quelque peu fatigué. Je me demandais s’il n’allait pas finir par s’endormir sur le comptoir du bar, me laissant seul avec la bouteille de Soju. Puis il finit par me répondre : « Byun Ho Boo... Merci de me remonter le moral... Tu sais pas à quel point ça m'évite de faire des imbécilités... »

Je haussais un sourcil un peu septique, après tout, tant de franchise à mon égard n’était pas le propre même d’éviter les bêtises, mais pour une raison étrange, manquant totalement de discernement il semblait songer que se confier à moi était sans risque, l’alcool sans doute, était le responsable principal de cette erreur. Il poursuivit : « Sobre j'suis pas une personne bien... J'me bats tout le temps... C'est ridicule... Désolé, un jour tu pourrais peut-être avoir des ennuis par ma faute... »

Je fronçais les sourcils, il m’était difficile d’imaginer ce type dans un accès de violence, sans doute car à ce moment même, il m’apparaissait d’une fragilité déconcertante, l’alcool était peut être le seul responsable de cet état de fait également. Cependant, il rendait difficile d’imaginer ce gars entrain de perdre le contrôle, ou même d’attirer des ennuis à qui que ce soit, hormis à lui même bien sûr. De toute façon, à quoi bon lui reprocher quelque chose qui m’arriverait sans doute, même s’il n’était pas avec moi. Les ennuis comme il disait si bien était un risque parmi tant d’autres, mais personne ne choisissait de les éviter, car ils restaient imprévisibles. Je répondis calmement, après avoir bu une gorgée de Soju :  « Tu sais je crois que d’une façon générale, j’ai tendance à attirer les ennuis, alors un peu plus ou un peu moins je ne suis pas sûre d’y voir la différence. »

Je fis tourner le verre vide entre mes doigts, me disant que la vie n’est jamais aussi simple qu’on peut se l’imaginer, ou que l’on aimerait qu’elle soit. Personnellement, il y avait longtemps que j’avais fait une croix sur l’idée même qu’elle puisse m’apporter un peu de tranquillité. J’ajoutais calmement et presque à moi-même : « Tu sais parfois, les choses ne sont pas toujours ce qu'elles semblent être».