L'HistoireTu es jeune. Tu n’as déjà plus de parents. Tu te sens seule même entourée de tous ces autres enfants. Sans famille, qu’elle soit de sang ou de cœur, tu n’aspires qu’à fuir de cet endroit et c’est ainsi que tu comptes les heures. Les responsables ne savent pas d’où tu viens, et toi tu ne sais pas où l’avenir te mènera. Les autres te rejettent, de toute façon tu te sens à part, plus mature, plus intelligente. Les autres te disent que c’est un don, tu prends ça plutôt comme une malédiction. Les enfants pensent que tu fais la grande, mais tu ne sais tout simplement pas comment faire partie de la bande. Tu te cherches, tu cherches ton identité, au pire tu te dis que tu pourras toujours t’en créer une, plus tard.
 
Tu es adoptée. Tes nouveaux parents t’aiment mais ils ont toujours du mal à te comprendre, dans tes réactions, tes réflexions, bien vite ils comprendront que tu n’es pas comme les autres. On les avait prévenus que tu n’étais pas une enfant facile, plutôt colérique, agressive, timide et antipathique. Pourtant, ils t’ont aimée au premier regard. Tu étais l’enfant qu’ils ont toujours rêvé d’avoir, intelligente et brillante, promise à une grande carrière, une enfant qui avait besoin d’amour et d’attention. 
 
Tu es énervée. Personne ne te comprend, personne ne cherche à creuser, à faire tomber cette carapace que tu te forges depuis tant d’années. Au lycée, tu es belle et brillante mais tu ne sais toujours pas pourquoi personne ne veut de toi. Tu passes tes journées en silence, entre ta chambre et la classe. On ne veut pas te parler, tu es trop hautaine et renfermée. Tu sais que les garçons se paient ta tête dans la cour de récré, qu’ils parient sur lequel d’entre eux saura te faire céder, mais tu t’en fous, t’es au-dessus de ça.
 
Tu es rêveuse. Parfois tu t’imagines déjà à planifier ton futur. Tu veux une maison, un mari, des gosses, trois dans tes rêves les plus fous, un chien, des amis avec qui aller prendre le thé après avoir déposé les gosses à l’école, un hobby tellement ringard que tu peux imaginer les autres se foutre de toi ; tu veux la famille parfaite mais c’est qu’un rêve et tu fais rien pour l’atteindre. T’es juste une lycéenne paumée qui préfère finalement passer du temps sur internet plutôt qu’avec des gens qui ne veulent pas de toi.

Tu es amoureuse. Étudiante, t’as l’impression d’avoir trouvé l’homme de ta vie, mais c’est ta vie qui va être ruinée par l’homme que tu aimes. Vous vous êtes connus sur un site de rencontres. Pour toi, c’était l’amour au premier regard. Il était doux, intelligent, attentionné, tout ce qu’il te fallait. Il t’aimait. C’est ce que tu croyais. Tu as quitté ton chez toi, tes parents qui comptaient sur toi, pour emménager avec un homme que tu ne connaissais pas si bien que tu le pensais. Il s’est joué de toi, de ta naïveté, ta candeur, ta crédulité, ton amour. Tu es innocente et égarée. Une petite brebis très appétissante pour le loup affamé.

Tu es terrifiée. Enfin lucide. L’homme que tu aimais n’est pas celui que tu pensais. Il n’est pas un enfant de cœur, un homme bien, il n’a même pas de cœur. Tous ces gens innocents qui ont souffert pour ses pulsions mortelles. Et toi, tu l’aidais car tu avais peur, peur car quand il te prend le bras, c’est pas pour te faire danser. Les tâches sur ta peau sont de la couleur du ciel. T’oses pas appeler à l’aide, même si t’as peur de ce qu’il peut faire au petit cœur qui a commencé à battre en toi. T’es effrayée mais tu peux pas t’en détacher. Il te tient sous son joug, pourtant tu n’es plus la princesse qu’il a prétendu voir en toi. Le voile est levé.

Tu es morte. Morte à l'intérieur alors que tu regardes votre fille, ce petit bout de toi qui court dans ses jambes en l'appelant papa. Sa grande fille te déteste et la petite l'adore. Tu pourrais te vomir. Vomir celle que tu es devenue, qu'il a formaté dans la violence et la peur. Un jour, tu fais tes valises, tu te dis que t'iras chercher ta fille à l'école et que vous partirez toutes les deux. Tant pis pour lui, et tant pis pour l'adolescente qu'il élève. Tu n'as pas le courage de la convaincre que son père est un meurtrier. Perdue dans tes pensées, tu n'entends pas la porte claquer. Une main saisit ton bras et te tire en arrière. Plus question de te laisser faire, tu tentes de te débattre, mais c'est peine perdue quand cette main qui te tient a plus de force que des chaines. Un point qui s'abat sur ta tempe.

Tu es—