Demande ignoble. Le laisser est plus difficile encore que ce que tu t'étais imaginé. Le voir tout briser, se blesser... Ça te retient, brise tes résolutions. Tu veux pas le savoir ainsi, tourner la tête en sachant que dans ton dos il fait couler le sang et s'éclater le verre contre les murs.
Souffre pas, Shin. Pas pour ta cupidité.
Ta conscience est déjà lourde, mais elle s'écrase un peu plus lorsque tu témoignes des ravages de tes mots. De ton abandon.
Oh le mot connard est si justifié que tu ne grognes même pas de te faire ainsi insulter. T'aimerais juste qu'il te promette que ça va aller, qu'il survivra. Qu'il s'en remettra. Qu'il te rassure. Mais sa réponse t'envoie au sol. Il te pousse si fort que tu en trébuches, les jambes trop faibles pour sauver ton corps de la chute. Mais tu lui as dis après tout, de s'en prendre à toi s'il en a besoin, si ça l'empêche de se faire du mal. Alors tu te acceptes de t'effondrer sans résister. Conséquences que tu te dois d'encaisser. Par amour tu te laisses violenter. Le torse broyé sous le poids de son genou qui te bloque sur le lino bon marché de son appartement.
Tes mains ne cherchent pas à te sauver, à le repousser. Tu les gardes inertes le long de ton corps, docile comme tu l'as toujours été avec lui. Tes yeux humides dans les siens.
Vas y mon amour, fais des ravages. Mais tu ne voulais pas qu'il te brise le coeur. De toute façon tu n'es pas certain qu'il pourrait se briser d'avantage... Tu voulais qu'il estompe tes angoisses pour que tu puisses le laisser sans craintes. Mais il doit avoir sa propre perception de l'aide... De toute façon, ta demande était si ingrate que tu ne peux lui en vouloir de réagir ainsi.
Tu l'as cherché Aiden... Ton corps se crispe lorsque tu sens ses doigts remonter sur ta gorge. Tu déglutis sans lutter, jusqu'à ce que l'air te sois volé. Trachée comprimée, incapable de respirer. Tu devrais avoir peur et pourtant, tu restes immobile. Presque vaillant. Ton âme est déjà morte alors qu'est ce que ça peut encore te faire s'il tue ton corps ? L'espace d'un instant tu as la pensée folle d'accepter ton sort, parce que mourir des mains de l'homme que tu aimes ne te semble pas le pire des scénarios. Au moins tu cesseras de souffrir, c'est peut-être ça la solution... Celle que ton frère avait prise. Peut-être était-il plus sage que toi, avait-il comprit que passer sa vie à lutter sans jamais s'accorder le bonheur n'a pas de sens... Mieux vaut encore partir ailleurs.
Et tu suffoques sous sa prise si féroce. Douloureuse. Mais pourtant, ce n'est même pas cette attaque physique qui va te faire le plus mal.
Ce sont ses mots qu'il te murmure contre ton visage. Tu fermes les yeux tandis que tes sanglots s'intensifient à l'instant même où il te confie la pire des révélations. Celle que tu n'étais pas le seul à partager ses draps. C'est ça, qui te tue réellement. Qui te donne envie de hurler même si aucun son ne parvient encore à s'échapper de ta gorge écrasée. La peine est percutante, insoutenable. Elle se propage dans tout ton corps, comprimant ton coeur désoxygéné.
Insupportable, tu t'en arracherais la peau.
Désormais tu veux qu'il s'éloigne, qu'il cesse de te toucher. Tu ne peux accepter cette vérité. Et tu trouves la force de poser tes mains contre les siennes pour tenter de les décrocher de ton cou.
Dégage, dégage. Tu as trop mal que pour tolérer encore sa présence.
Et finalement il te libère, tandis que ta tête commençais déjà à se faire légère, ta vision trouble. L'air pénètre tes poumons pour te sauver, tu inspires désespérément et tousse après cette apnée trop longue.
Tu profites du retour de l'oxygène dans ton corps pour tenter de trouver la force de le repousser. Tes mains contre ses cuisses, tu essaies faiblement de l'ôter de toi. Et tu finis par rouler sur le côté pour le faire vaciller. Rampant sur le sol pour t'éloigner en hâte de lui.
Tout ton corps tremble face à la violence de son aveux, le choc de l'étranglement. Péniblement tu parviens à te redresser sur les genoux, te soutenant encore de tes mains. A quatre pattes comme un chien misérable.
Ta gorge meurtrie est incapable de crier, ta voix n'est plus qu'un murmure faible et à bout de souffle. Les mots accusateurs sortant péniblement.
"Et c'est moi le menteur ? Comment t'oses prétendre m'aimer alors que t'allais encore voir ailleurs... Si ça avait vraiment été de l'amour je t'aurais suffi, t'aurais plus eu envie des autres !" Penser que d'autres lèvres touchaient encore les siennes entre vos rendez-vous secrets, des mains sa peau si précieuse, ça ternis tous vos souvenirs. Contre le sol, tes doigts se replient et se crispent. Ce n'était que du vent. Vos étreintes n'étaient ni spéciales ni uniques. Tu étais probablement juste la pièce maitresse de sa collection. Ses expressions lorsque son visage se tordait de plaisir, les battements de son coeur contre ton torse quand il s'allongeait sur toi après avoir joui, tu pensais que c'était tes trésors, tes privilèges. Mais ce n'était rien de plus qu'un partage avec d'autres. Et ça te fait l'effet d'un millier d'épines dans toute ta poitrine.
Tu n'es pas spécial Bae Aiden . Pas au point de mériter l'exclusivité.
Vous n'aviez jamais formulé de promesses, parce que les prononcer te semblait inutile. Tu les pensais induites dans chaque rires et soupires que tu laissais s'échapper dans le creux de son cou, lorsque, niché dans ses bras, tu t'imaginais si chanceux de connaître ses étreintes. Mais peut-être auriez vous du étiqueter votre relation, parce que clairement vous aviez une divergence de perception sur le sujet. Tu te sens berné, idiot.
Péniblement et titubant, tu finis par arriver à te relever. Te tenant au mur pour retrouver ton équilibre. Tes cheveux décoiffés retombant misérablement sur tes yeux. Au travers des mèches, ils se tournent vers lui, emplis de peine et de colère. Regard déçu, prunelles rancunières.
"Au moins je suis rassuré sur une chose; je te manquerais pas. Ou en tout cas pas longtemps... Tu trouveras rapidement une autre bouche à étouffer avec ta queue. Et tu m'auras oublié avant même que la saison ne change." Il s'en remettra vite oui, si tu n'étais rien de plus qu'un de ses jouets parmi d'autres. Si votre amour n'était pas aussi réel pour lui que pour toi. Ton nom ne sera qu'une archive dans le dossier de ses conquêtes. Marqué comme une erreur, leçon d'une relation sexuelle pour laquelle il n'aurait pas du accorder tant d'importance.
"Je suis certain que c'est tout ce que tu devais aimer chez moi de toute façon non ? Que je te laisse souiller ma bouche à ta guise. M'utiliser comme ton pantin..." Ta mâchoire se crispe dans une expression mauvaise. Presque de dégout lorsque tu repenses à tout ce que tu l'a laissé te faire... Tu secoues la tête en soupirant.
"Dire que j'ai aimé ça..." Tu te fais honte désormais, de t'être volontairement laissé rabaisser dans vos ébats. Tu veux rejeter ces souvenirs que tu trouvais pourtant si doux. Tu rejettes tout. Toute votre relation.
Et d'un revers de la main tu sèches ces putains de larmes qui ne cessent de couler, te faisant passer pour un faible. Il ne les mérite pas. Pas après ce qu'il vient de te confier.
Tu ressens tant de rage que tu pourrais toi même détruire son appartement, que tu es tenté de laisser ta paume claquer contre sa joue. Mais tu n'es pas comme ça. Tu serres les poings à t'en enfoncer les ongles dans la peau pour résister à ces pulsions. Pour ne pas te rabaisser à être esclave de tes émotions. Tu es dressé pour y résister, rester digne... Et même si tu n'es pas toujours doué pour appliquer à la perfection cette éducation rigide, tu t'efforces de faire de ton mieux en cet instant.
La tête toujours légère du manque d'air, tu n'as pas encore retrouvé parfaitement ton souffle, et le mur t'aide encore. Mais tu es enfin résigné à partir, malgré ton état fébrile, malgré les risques pour Shin. Tu veux juste t'enfuir. Et tu ricanes froidement en réalisant que tu es enfin prêt, que tu n'es plus incapable de passer cette porte.
"Mais tu sais quoi, je devrais te dire merci... Je t'ai demandé de m'aider à te laisser... Tu l'as fais. Bravo. Je m'en vais maintenant..." Il t'a aidé à sa propre façon... Mais le résultat est là.
Tu te traines jusqu'à tes chaussures que tu commences péniblement à remettre. Mais ta rancoeur est telle que tu ne peux te résoudre à partir sur cette note. Le besoin puéril de gagner, de ne pas être celui qui quitte cet endroit le plus dévasté. Tu veux le blesser un peu plus, lui faire payer ses nuits de trahison lorsque tu le pensais entièrement tien. Rage et peine qui te rendent désormais simplement méchant.
"Ah, encore une chose. Ne soit pas trop confiant sur tes conclusions. Si je t'aimais vraiment, tu ne penses pas que je t'aurais choisis toi plutôt que l'argent ? J'imagine que, tout au plus, j'appréciais nos habitudes. Mais je ne pense pas pouvoir prétendre avoir été réellement amoureux." Tu parviens à dire ces mots trop froidement. Stoïque dans ton mensonge. Après tout tu peux encore y prétendre, tu ne lui as jamais dis clairement les mots, ta confession. Tu t'es arrêté juste à temps, suffisamment que pour pouvoir encore nier la puissance de tes sentiments.
Un dernier regard sur lui, tu fais de ton mieux pour redresser ta posture et relever ton menton.
"Alors... au revoir, Shin." Le ton trop cruel, tu passes la porte en feintant que ce geste t'es aisé, que tu en es presque soulagé. Mais une fois de l'autre côté, tu manques de t'effondrer. La porte se claque derrière toi et résonne comme un coup de feu dans ta poitrine. C'était ton dernier regard... Ta dernière parole à son égard. Ça s'est terminé dans la laideur et la douleur. Quel gâchis... Tu sens tout on être se faire déchirer.
Oh, il t'a fait si mal. Pourtant maintenant que tu es parti, tu voudrais faire demi tour pour courir dans ses bras à nouveau.
Mais c'est vers l'avant que tes pas te mènent. Le corps tremblant tellement tu te crispes pour ne pas tomber à genoux.
Tu ne sais pas par quel miracle tu parviens à rejoindre ta voiture sans t'être écroulé. Mais une fois que tu laisses ton corps retomber sur le siège de cuir, tu exploses. Les larmes dont tu avais repris brièvement le contrôle coulent à nouveau sur tes joues. Et tu frappes ton volant en hurlant, parce que tu dois extérioriser. Tu ne peux plus résister à tes émotions. Et ça sort comme un enfant en crise. Peine trop intense que pour pouvoir être contenue dans le simple corps d'un homme. Tu sanglotes, supplies qu'une force invisible vienne arrêter ta peine. Résolve tous tes problèmes. Pour que tout s'arrête.
Finalement c'est contre ton propre visage que ta paume vient claquer. Tu te gifles pour te forcer à te reprendre. Ton reflet dans le rétroviseur est pitoyable. Si ton père te voyait ainsi... Dans un état pareil, et tout ça pour un autre homme... Il te graverait le mot
échec dans la peau. Faible, minable... Indigne de sa lignée.
Tu t'affrontes dans le miroir, résigné. Trois grandes respirations. Déconnexion cérébrale. Tu t'éteins à nouveau pour redevenir robot. Déshumanisé pour survivre. Et tu remets finalement le moteur en route. Faisant vrombir ta voiture sportive dans toute la rue, tu démarres en trombe. Roulant avec imprudence, insouciance. Tu veux juste rentrer dormir, peu importe si tu grilles dangereusement les feus.