L'Histoire


Petit, mon livre préféré dormait toujours paisiblement sous mon oreiller, l'ours en peluche dans mes bras, je fermais les yeux un grand sourire aux lèvres. Je me souviens si peu de mon enfance, juste la bonne odeur des crêpes préparées par ma mère, le bisou sur le front lorsque mon père partait au travail, les vocalises de ma petite sœur de bon matin. De vagues et chaleureux souvenirs.
J'ai grandit au Brésil, j'y suis même né, chez nous, dans une petite maison confortable. A l'époque, mon père n'avait pas encore de promotion, il se démenait au travail, ma mère s'occupait du foyer comme une bonne épouse. Je pense que j'ai gardé une part d'elle au fond dans mon comportement d'aujourd'hui.
Appréciant cette période, je me remémore les moments de solitude où je pouvais profiter des câlins maternel.

Quelques années plus tard, lorsque le poste de mon père fut monté en grade, la maison a pris elle aussi de la hauteur. Une nouvelle chambre, un jardin, je me souviens vaguement de cette balançoire qui grinçait à chaque mouvement, des rires de ma petite sœur née quelques semaines plus tôt.
Je ferme les yeux quelques secondes, j'essaie de voir les traits de leurs visages...ma tête me fait mal, les flashs se succèdent, impossible de les distinguer, juste cette main invisible que je tente désespérément d'attraper. Une pression plus fort et je rouvre les paupières, ma vision est trouble et des larmes coulent.

Ma vie a pris fin un fameux jour d'octobre, sous les feuilles d'automne, la pluie tombait ce jour-là, la route était glissante, les gens pressés, les voitures imprudentes. Je sais juste - d'après les dires de ma grand-mère - qu'on partait pour le parc d'attraction, malgré le temps. Un camion a débarqué de nul part, impossible de freiner, heurtant la voiture de plein fouet.
Les images de cet accident sont bien trop vaporeuses, j'ai peur de me souvenir selon le médecin, j'occulte le passé pour ne pas souffrir.

Depuis ce jour, je ne fais que survivre, essayant de rendre heureux ma grand-mère qui m'a recueillit à l'âge de quinze ans, et ma défunte famille. J'ai continué mes études en Corée, pays d'adoption. J'ai changé de voie, les pleurs de ma petite sœur résonnent encore à mes oreilles, je veux pouvoir rendre les enfants heureux, leur inculquer les valeurs, les connaissances dans la bonne humeur, dans l'amusement. Je me souviens de ses moments où je lui apprenais à faire ses devoirs, la récompensant d'un bonbon à la fraise, lui promettant de l'emmener acheter une peluche. Sa chambre en regorgeait.

On m'a toujours reproché de ne pas avoir pleurer lors des funérailles. Je n'ai fait que suivre la promesse que je leur avais faite, ne jamais verser de larmes, même lorsqu'on est triste, toujours sourire. Ma mère ne supportait pas nos pleurs, elle faisait toujours en sorte de pouvoir nous rendre heureux, peut-être parfois nous couvait tel un peu trop, elle cédait bien trop facilement à nos caprices, pourtant j'ai toujours été joyeux d'aussi loin que remonte ma mémoire.





Aujourd'hui, j'ai bien grandi. Je me suis entouré de quelques rares amis, je prend soin de cette présence maternelle, ma grand-mère, je vis chaque jour pour la rendre radieuse. Travaillant à l'école maternelle, je prend des bouffées de joie tous les jours de la semaine, je succombe devant la bouille d'ange de ses petits garnements. Le relationnel avec les adultes est bien plus complexe. Je vois en ses parents, les miens et je me tiens à distance, même mes responsables ont du mal à m'atteindre.

Ceux qui m'entourent, les racailles de quartier, je prend soin des animaux blessés, j'ai ce besoin de rendre par centuple l'affection que j'ai reçu enfant, de donner sans attendre en retour, nombres de fois, cela m'a joué des tours. On m'appelle "bisounours", le gars naïf du coin.
Mes relations sentimentales n'ont aucun signe de vie, au point mort, je suis timide, inaccessible. Les quelques rares qui s'y sont frotter, m'ont délaissé, ils en avaient marre que je ne prenne pas d'initiative, que je ne sois pas assez affectueux. Je suis loin d'être le puceau Tanguy du 21ème siècle, j'ai eu mes propres expériences. J'ai feins depuis toutes ses années de ne pas être attiré par les hommes, pourtant la simple évocation de cette soirée de débauche où j'ai cédé mon corps est un souvenir plus mémorable que cette femme d'âge mur au regard froid mais cette place auprès de moi reste désespérément vide, je sais que je suis le seul fautif, par ma crainte de me lier, par cette peur irrationnelle de me sentir aimer, d'aimer.

Mes années vécues au Brésil me décalent de la mentalité coréenne, pourtant mes rêves de famille sont omniprésents, je rêve du grand amour, de cet homme qui pourra prendre soin de moi, de ses bras musclés autour de moi, de réussir à pleurer plongé dans son cou. J'ai toujours eu l'âme d'un romantique selon ma mère. Aujourd'hui, je veux juste reconstruire ce foyer que j'ai perdu, sentir la chaleur d'être aimer, le doux parfum d'un foyer choyé.
Mais je lutte envers moi-même, je me renferme, le passé est intrusif, vicieux, il s'insinue dans mes veines, tel un poison dont je ne peux me défaire, je consomme mes craintes dans l'alcool, parfois dans la violence. Je ne suis guère un habitué de ce genre mais c'est parfois libérateur, impulsif. C'est ma face cachée, mon ombre douloureuse qui aime faire souffrir les autres autant que j'ai moi-même souffert.

Au fond, à l'aube de ce petit matin, je ne peux me dire qu'elle a été mon enfance, je ne peux juste que me souvenir d'avoir été heureux. Je ne peux non plus dire quel sera mon avenir. J'ai juste l'air d'un homme sans histoire, à l'aspect un peu doux, un peu mou, avec quelques impulsions dangereuses. Je cache quelques secrets au fond de moi, quelques images néfastes d'une période révolue qui me hantent encore. J'ai passé la barre de la quinzaine en Corée, j'y ai tenté quelques expériences dans mes périodes les plus sombres avant de relever la tête et de vivre ma petite vie bien paisible d'aujourd'hui.


Avoue tu vas t'extasier devant cette bouille si craquante, tu vas me trouver trognon à barboter avec les enfants, les mains pleines de paillettes et le visage couvert de peinture. Mon sourire enjôleur va te faire succomber, tu vas vouloir me posséder..nop' ? Mais si, regarde un instant cette tête, ce regard à se damner, je suis ta future faiblesse, ton poison enchanté.
J'ai un complexe, il parait que je suis un handicapé des sentiments, sûrement la cause de mon passé, ce p'tit accident qui a chamboulé mon existence.
Je suis un passif agressif...tu sais ce que ça veut dire ? T'en fais pas tu vas le découvrir petit à petit, viens t'approcher, n'est pas peur de me tenter, va juste de falloir du temps et de la patience, j'attire par les plus grands. Ok'y dis comme ça, on dirait un péd' en sommeil, mais crois-moi j'ai rien à voir avec ses détraqués. Je veux juste combler l'absence de ma sœur par le bonheur ses p'tits garnements.
Au fond, j'ai des rêves basiques d'un homme lambda qui en a un peu chier dans la vie. Je prend des claques sans broncher, sans pleurer. Mon poste d'enseignant avec les petits a été inspiré par mon vécu, par mon besoin irrépressible de les côtoyer et de voir leur sourire.
Ma grand-mère est mon dernier foyer aimant, j'ai peur du jour où je devrais la laisser partir. Malgré mon apparence virile, j'ai le caractère d'un gamin en devenir, mon côté déjanté, voir parfois boudeur peut te surprendre, mais j'ai juste besoin d'une bonne dose de testostérone à mes côtés pour me combler.
Tu l'auras compris, même-si j'assume clairement pas mes choix, je suis loin d'être l'actif dans le délire, j'ai des muscles pour le physique mais je le cœur d'une guimauve dans un barbec'.

Mon projet ? La famille, parce que même-si c'est mon plus bel avenir, j'ai le problème récurrent de m'enfuir, ou de les faire fuir.
Tu peux être mon ami(e), ma cousine, mon ennemi, ma muse, mon ambiguë mais n'oublie pas, je suis loin d'être ivre, les mots ne dépassent jamais la barrière des lèvres, je suis pas non plus un livre, suffit pas de tourner les pages pour me connaitre, et le dernier chapitre n'est pas encore écrit, il va falloir de la patience mais tu finiras par m'aimer de tout ton être.