L'Histoire Avez-vous déjà eu l’impression de jouer un rôle ? De ne pas être tout à fait honnête avec les gens qui vous entourent ? Et bien moi c’est mon quotidien … Ce n’est pas que j’aime mentir, c’est que je n’ai pas le choix … Laissez-moi vous expliquer pourquoi.
Je suis né en 1989 à Busan dans une famille plutôt aisée. Premier fils je suis très vite devenu le petit prince de mes parents, et même à l’arrivé de ma petite sœur Eun Hee les choses n’ont pas vraiment changées. Mon père est un médecin plutôt connu, il est spécialisé en néonatalité, il a mis en place plusieurs protocole utilisé dans le monde entier et qui permettent de sauver la vie à des prématurés, alors forcément il est plutôt admiré dans son domaine. Quant à ma mère c’est une ancienne avocate, mais à la naissance de ma sœur elle a mis sa carrière de côté pour s’occuper de nous. Ayant grandis dans une famille très conservatrice et traditionnaliste, j’ai fréquenté des écoles privées de renoms, mon père me voyait déjà le prochain médecin de la famille mais pour être honnête ce rôle ne m’a jamais correspondu. Mon truc à moi c’est plutôt l’écriture, du genre roman d’aventure. Etant ado j’étais assez mal dans ma peau j’avais du mal à me faire des amis, alors je m’inventais une vie de super aventurier qui parcourait le monde et admiré de tous. Je sais c’est pathétique mais à l’époque j’avais besoin de ça pour ne pas sombrer … Et puis je me suis fait un ami Moon Bin, le premier ami que j’ai jamais eu, j’avais 15 ans à l’époque, il était nouveau et même s’il était plutôt populaire auprès de tous, c’est vers moi qu’il s’est tourné, j’ai jamais trop compris pourquoi. Enfin bon je n’étais plus vraiment seul. Et puis le temps a passé et petit à petit et sans trop que je comprenne comment ni pourquoi, mes sentiments à son égard ont changés. Du meilleur ami il est devenu le mec qui hantait mes pensées, et mes rêves. Je m’étais jamais vraiment demandé pourquoi les filles ne m’attiraient pas plus que ça, je pensais pas non plus être particulièrement attiré par les mecs, jusqu’à ce que je comprenne que j’étais juste tombé amoureux de lui. Evidement j’ai rien dit. Et puis j’ai commencé à remarquer que lui aussi changeait petit à petit. Déjà il avait toutes les filles à ces pieds et pourtant il s’en foutait royalement. Il me proposait souvent de sortir, on passait le plus clair de notre temps ensemble. Je n’aurais jamais été capable de faire le premier pas, j’avais bien trop peur, heureusement lui était plus courageux et un soir alors qu’on rentrait, il était assez tard, on s’est arrêté dans un parc, il n’y avait personne, et pas un bruit, on était juste tous les deux, c’était presque comme si le temps c’était arrêté, on s’est callé dans l’herbe à regarder les étoiles. Et puis il s’est tourné vers moi, je n’ai pas trop compris ce qui l’a poussé à se lancer mais il m’a embrassé et j’ai sentis mon cœur explosé. Quand il s’est reculé il n’a rien dit et je ne savais pas quoi répondre, il s’est simplement recouché à côté de moi, je me suis contenté de prendre sa main dans la mienne et c’est comme ça que ça à vraiment commencé entre nous.
Même si j’avais l’impression de faire quelque chose de mal, je ne voulais pas y mettre un terme. La plupart du temps on restait très discret, lui comme moi étions plutôt mal à l’aise vis-à-vis du regard des autres, mais quand on était seuls alors rien ne nous arrêtait. Etre avec lui me faisait me sentir libre, j’étais juste heureux et je n’avais besoin de rien de plus. J’avais l’impression qu’avec lui à mes côtés je pouvais tout faire, je n’étais qu’un gamin de 16 ans mais la réalité m’a rattrapé.

Presque un an plus tard, alors que je rentrais après le lycée, j’ai vu mes parents, ma sœur et un homme dans notre salon. Ils m’attendaient tous, je n’ai pas compris tout de suite de quoi il s’agissait, mon père m’a demandé de m’asseoir, ma mère avait les larmes aux yeux et ma sœur fuyait mon regard. Et puis l’inconnu s’est mis à parler. Il s’est présenté comme un psychologue spécialisé dans les problèmes d’adolescents. Sur le moment je ne voyais pas trop de quoi il parlait, je n’avais aucun souci et ma sœur non plus pas que je sache. Il a continué en expliquant que c’était « fréquent chez les jeunes de faire des expériences en tout genre » mais que « tout pouvait se soigner ». Parce qu’il parlait beaucoup mais que je ne comprenais toujours pas ce qu’il faisait là j’ai finalement demandé s’il y avait un problème. Et c’est là qu’il m’a expliqué que « l’homosexualité était un problème répandu mais parfaitement traitable surtout lorsque c’est pris à temps. » Sans m’en rendre compte je me suis levé complètement surpris de ce que je venais d’entendre. Mon père m’a ordonné de m’asseoir, je pouvais entendre la colère dans sa voix. Ma mère m’a alors dit qu’une de ces très bonnes amies m’avait vu embrasser un garçon et lui tenir la main. Je suis retombé sur mon fauteuil j’étais sans voix, incapable d’articuler quoi que se soit. Le psy m’a alors demandé ce que j’en pensais. Je n’étais même pas sûr de comprendre la question, ce que je pensais de ma relation avec Moon Bin ? Ce que je pensais de la copine de ma mère qui m’avait balancé ? Ce que je pensais de ma famille qui m’avait piégé ? Ce que je pensais de ces propos des plus homophobes ? J’ai préféré ne pas répondre. L’homme a simplement expliqué à mes parents que le mieux serait d’avoir une session privée avec lui pour parler « en toute confiance » … Sans même que je comprenne ce qui m’arrivait, je me suis retrouvé à devoir aller 3 fois par semaine en consultation pour soigner « mon homosexualité ». Honnêtement j’aurais voulu en rire, mais ça n’avait rien d’une blague, mes parents étaient plus que sérieux, pour eux j’avais un réel problème à traiter … J’ai bien essayé de leur faire comprendre que je n’avais rien décidé, que ça m’était tombé dessus comme ça et que toutes les thérapies du monde n’y changerait rien mais c’était peine perdue. Au début c’était juste des sessions de discussion avec le psy, pendant des heures il m’expliquait en long en large et en travers les dangers de l’homosexualité, la perversité d’une relation entre deux hommes … Bien entendu j’avais parlé à Moon Bin de la situation, il était mal pour moi et en voulait à mes parents d’être aussi fermés, d’autant qu’avec toutes ces séances de thérapie je n’avais plus vraiment le temps de le voir, sans parler du fait que j’étais littéralement surveillé par mon père qui m’avait interdit de l’approcher. Il a même fini par me changer d’école et parce que la thérapie « basique » ne marchait pas j’ai eu droit de passer un été dans un camp de vacance très particulier. Une colonie on ne peut plus bizarre. Le programme s’appelait « apprendre et trouver le vrai amour » en gros tous les ados envoyés dans ce camp étaient gays ou lesbiennes avec des parents voulant les soigner. Bien entendu je n’ai pas eu le choix d’y aller. Dès le début du séjour on a vite senti le malaise, pour éviter les dérapages dans les dortoirs, ils nous ont mis dans des chambres doubles, toujours 1 fille et 1 garçon ensemble. J’ai donc fait la connaissance de Jina elle avait 1 an de moins que moi et elle semblait encore plus mal à l’aise que moi. Tous les jours on avait des groupes de paroles, d’anciens pensionnaires du camp nous ont expliqués qu’ils avaient guéris grâce au programme et qu’ils étaient désormais « normaux » et heureux. Plus les jours passaient plus j’avais envie de vomir de toutes ces conneries. Et puis ils ont passés la vitesse supérieure, ils nous ont montrés des vidéos de traitements aux électrochocs en expliquant que si la manière douce ne marchait pas, on en passerait par là. Je crois qu’on a tous plus ou moins commencé à avoir peur, et beaucoup se sont mis à jouer le jeu des « médecins » du camps, prétendant que la thérapie marchait, mais il était évident que c’était juste la peur de se faire électrocuter qui les « soignaient ». Moi j’ai tenu encore un peu plus. Bien sûr j’avais peur du traitement ultime mais je voulais continuer de croire que je n’étais pas malade ! Et puis lors d’une session de thérapie en « couple » avec Jina, le psy nous a demandé de regarder une vidéo, sauf qu’il ne s’agissait pas vraiment d’un film traditionnel, il s’agit d’un genre de cours d’éducation sexuel, très mais alors très détaillé, d’ailleurs beaucoup trop à mon goût, c’était censé nous apprendre à nous comporter comme un couple normal, comment s’embrasser, comment se comporter dans la vie de tous les jours et même comment faire l’amour de façon « traditionnel », on a aussi vu un certain nombre de vidéo toutes plus homophobes les unes que les autres, expliquant les risques de s’afficher avec une personne du même sexe, allant des insultes jusqu’aux violences physiques. Le pire c’est qu’à aucun moment dans la vidéo ils n’ont condamné la violence, c’est limite s’il n’était pas dit « si vous êtes homos et qu’on vous tabasse c’est un peu de votre faute ». Je vous jure que cette session m’a plus traumatisé qu’autre chose. Jina était encore plus mal que moi en sortant du « cours ». Elle m’a dit qu’elle allait elle aussi jouer le jeu, qu’elle ne voulait plus jamais avoir à subir ce genre de session et j’ai décidé de faire pareil. Plus les jours passaient et plus j’étais mal, je ne sais pas comment j’ai tenu presque 2 mois dans cet enfer, mais à mon retour à la maison je me suis promis de ne plus jamais foutre un pied dans ce genre d’endroit. Je savais que la seule solution c’était de « prétendre » que le traitement avait marché. Et très honnêtement c’était pas si loin d’être le cas parce qu’après avoir entendu encore et encore les slogans homophobes, après avoir vu ces vidéos humiliants des gays et lesbiennes et après avoir vu la liste des peines appliqués dans plusieurs pays du monde contre les homosexuels, je vous jure que j’étais plus si sûr d’aimer les hommes. J’ai décidé de couper les ponts avec Moon Bin, ça n’a pas été si simple au début mais je n’avais pas le choix. J’ai même accepté de sortir avec la fille d’un collègue de mon père, une fille très sympa. Mes parents étaient tout content et moi … moi j’étais juste complètement paumé, hanté par ces images du camp de l’horreur. J’ai fini par partir pour l’université, j’ai rompu avec cette fille pour qui je n’avais de toute manière pas vraiment de sentiment et j’ai décidé de me focaliser sur mes études. J’étudiais la littérature et les lettres modernes, un domaine qui me passionnait, j’ai recommencé à écrire petit à petit, j’étais loin de parents, ayant décidé de partir à la fac à Séoul, je me sentais un peu mieux loin d’eux pour être honnête. Et puis j’ai rencontré un autre mec Young Bae, au départ j’ai tout fait pour l’éviter, parce que je savais qu’il était « dangereux » pour moi. Mais il n’a rien lâché, sans être trop insistant il a juste trouvé comment percer mes défenses, et en réalité je lui en suis reconnaissant. Lui assumait totalement son homosexualité, n’hésitant pas à envoyer chier ceux que ça dérangeait. Je le trouvais tellement courageux. Pendant mes 4 années de fac il a été celui qui m’a redonné confiance en moi, qui m’a aidé à m’accepter tel que je suis. Bien entendu je n’ai jamais ne serait-ce que prononcé son nom en présence de mes parents, je savais parfaitement ce qui m’attendait si j’en parlais, alors je n’ai rien dit … Et puis j’ai fini mes études et je suis rentré à Busan.
J’ai trouvé un boulot dans une maison d’édition, en tant qu’assistant d’édition pour la catégorie « livre pour ado ». En gros mon job consistait à lire des livres et à sélectionner ceux qu’on allait éditer, franchement un boulot de rêve pour moi ! Je continuais d’écrire un peu mais sans jamais faire lire quoi que se soit à qui que se soit.
Et puis en 2012 les choses se sont encore une fois compliqués, ma mère insistait pour savoir si j’avais une copine, j’ai fini par mentir et lui dire que oui. C’était complètement con parce qu’évidemment après ça elle ne m’a pas lâché, voulant absolument la rencontrer. J’ai fait trainer le plus possible mais arrivé à un certain point, j’ai dû trouver une solution, et la solution que j’ai trouvée fut de chercher une fausse petite amie. Alors oui je sais dit comme ça c’est franchement débile mais qu’est-ce que je pouvais faire d’autre ? J’ai fini par chercher en ligne, sur des sites de rencontres, et puis j’ai fait la connaissance de Dakota. Je lui ai expliqué ma situation, en gros je cherchais une copine pour m’afficher devant mes parents mais sans qu’il ne se passe rien. Pour rendre les choses plus réelles j’étais même prêt à payer le loyer d’un appart 2 chambres pour qu’on habite ensemble, j’étais même prêt à lui faire tous les cadeaux du monde pour peu qu’elle accepte de juste faire semblant d’être amoureuse. J’avais conscience que la proposition n’était pas glamour. Mais contre toute attente elle a accepté, en fait elle a même émis une condition, elle voulait qu’on se mari. En réalité elle cherchait avant tout des papiers. Au final j’ai accepté c’était le compromis parfait pour moi, encore mieux qu’avoir une simple copine à présenter à ma mère, je pouvais lui présenter une épouse de quoi la calmer définitivement. On a donc « signé » un contrat virtuel nous liant par les liens du mariage sous nos propres termes. C’est comme ça qu’en 2013, elle est devenue ma femme. Mes parents étaient ravis, ils y ont cru dès le début, faut dire que Dakota est une fille super, elle est très vite devenue ma meilleure amie, elle jouait son rôle à merveille sans me juger. Dès le début on s’est mis d’accord, elle comme moi avions droit à notre intimité.
Quand on s’est marié, ma sœur est venue me voir, pour la première fois on a vraiment parlé elle et moi, elle avait compris que ce mariage sonnait faux et elle voulait essayer de comprendre. Elle a voulu me dissuader de me marier. Elle savait très bien que je jouais la comédie depuis toujours et que je n’avais jamais « arrêté d’être gay » d’ailleurs elle s’en foutait royalement, mais elle voulait surtout pas que je m’engage dans ce genre de relation malsaine juste pour faire plaisir à nos parents. Au final je lui ai dit toute la vérité, que je le faisais aussi pour aider Dakota. Même si elle ne trouvait pas ça correct, elle a fini par comprendre. Au final elle est l’une des rares personnes à savoir la vérité et elle nous soutient, en même temps elle apprécie aussi beaucoup sa belle sœur donc ça aide. Je sais désormais que je peux compter sur son soutient et ça c’est extrêmement important à mes yeux.

Cette année Dakota et moi on va fêter nos 5 ans de mariage, et honnêtement je dois reconnaitre que j’ai trouvé la femme idéale, c’est clairement la femme de ma vie, même s’il n’y aucune connotation romantique. Elle est devenue ma meilleure amie, une deuxième partie de moi et franchement je n’imagine pas ma vie sans elle. Bien qu’on soit tout de même indépendant, on est malgré tout très proche, on se raconte tout, elle me parle de ces peines de cœurs et je lui partage mes galères avec les mecs. Ils nous arrivent même de dormir ensemble quand on est tous les deux seuls et qu’on a besoin de compagnie, il ne se passe rien de physique, mais on dort simplement enlacer dans les bras l’un de l’autre. Ça peut paraître étrange mais je pense vraiment qu’elle est mon âme sœur, je pense que personne ne peut comprendre notre relation même pour moi c’est dur de l’expliquer, parce que même s’il ne se passera jamais rien de sexuel entre nous, je l’aime vraiment, un amour semi fraternel semi je sais pas quoi, mais une chose est sûre je ne peux plus vivre sans elle !
Depuis quelques temps maintenant ma mère est revenue à la charge, elle se demande pourquoi elle n’a toujours pas de petits-enfants. Il est évident que je ne peux pas lui dire qu’on n’aura jamais d’enfants, ça la tuerait et puis pour être honnête plus j’y pense et plus je me dis que j’aimerais devenir père, après tout on serait d’excellent parents j’en suis certain. Certes pas les plus traditionnels mais je sais pas, peut-être parce que j’approche les 30 ans mais je me dis qu’on pourrait peut-être y penser, après tout les fécondations in vitro ont d’excellent taux de réussite … Il faut que j’en parle à Dakota bien sûr mais j’y songe sérieusement !