L'Histoire

THESE VIOLENT DELIGHTS
HAVE VIOLENT ENDS
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— vous êtes bien sur le répondeur de ...
— Lena
— et Dimitri Volkov.  Laissez un message ...
— après le bip ! Ah, c'est toujours toi qui fais les meilleures pa-

Dans l'obscurité, les sanglots se sont arrêtés. La main a cessé de trembler. Le geste est mécanique, presque assuré. On entend un instant la sensibilité de l'écran souillé, le reniflement incertain puis ce bruit discret, celui qu'on entend normalement pas ; le téléphone posé sur le sol. La luminosité crie les numéros de la boîte de messagerie, la voix chante ses mots et il aura à appuyer encore quelques touches avant qu'elle ne laisse place au silence. Deux secondes à peine, il n'a jamais le temps d'atteindre la troisième.

— mon coeur, je t'ai laissé de l'argent sur le bar pour la pizza ce soir. Bonjour à Sacha de notre part. Ah, chéri, non attend, tu as vu mes clés? oh… Ah. Mon coeur, pas de bêtise d'accord ? A demain, on t'aime.

C'est la dixième ou la vingtième écoute. Le cycle est incessant et ne se brise pas, c'est un rituel. Pas une seule fois il n'aura consulté l'heure. Un message, puis l'autre. Ca ne réparera pas son monde ce soir. Ca console pas la peine. Lorsque tout s'effondre, on tente de recoller, de tout retenir à la force de ses bras même si on sait, au fond, que ça sert à rien.  On retient pas le déluge, on fait seulement face à la fatalité. Sa vie a dérapé. La voiture a pris un mauvais tournant.

Et puis c'est la noyade.

—  Luka. Luka je suis désolée, j'aurai pas dû
— Luka pourquoi tu ne réponds pas à mes messages
— Luka, je m'inquiète pour toi
— Luka, réponds moi  
— Luka, -

La messagerie vocale de votre correspondant est pleine. Vous ne pouvez plus enregistrer de messages. Nous sommes désolés.

Le téléphone vibre contre le bois de la table, s'illumine de son nom. Anna, elle a insisté et il ne sait plus à partir de quel moment exactement son coeur a décidé de la rejeter, recrachant tout affection à son égard alors qu'elle ne cessa de lui en donner. Ils n'étaient pas nombreux à l’enterrement, mais elle était là, elle a tenu à y être. Du haut de ses seize ans, la maturité plus grande que la sienne, la douceur qui ensorcèle. Le calme pour son esprit à vif. Seulement cette fois, il lui a échappé et à cet âge, les mots ont les a pas forcément. Il n'est jamais parti avec les services sociaux et ce téléphone est resté là, posé au milieu de la table de la cuisine à vibrer. A continuer de vibrer. Ce jour-là, il a pris un autre chemin, comme un fardeau trop lourd à porter.

— Putain de gosse
— Qu'est ce qu'on va faire de toi hn... ça t'amuse de jouer avec la vie ? c'est crever que tu veux ? Je peux arranger ça, si ça te plait tant hein. Ca te plait ça, le revolver contre la tempe ?
— Volkov, baisse les yeux fils de chien.
— t'es en colère. Et j'te dirai, on est tous en colère ici. Mais rentre toi un truc dans le crâne : La colère ne doit pas te rendre stupide.

Ce fut sa première leçon de vie, de cette nouvelle vie. A travers ses yeux braqués sur lui, Luka se dit qu'il ne voyait plus la vie de la même façon. Aurait-il dû pleurer, s'enfuir en courant, se pisser dessus, s'excuser. Sentir la culpabilité le ronger. Mais y a rien, juste cet immense vide laissé par la tempête. Lorsqu'il baisse les yeux, ce n'est pas par culpabilité pour son acte. C'est bien au delà. — ...Allez, nettoie ça. il sent la main se perdre dans sa chevelure, le geste brusque d'un mec qui accorde quand même une caresse à son clebs après avoir mal agi.

— Les passagers à destination du vol Séoul 711 sont priés de se présenter porte b.

Le sac sur l'épaule, aucune valise en soute.  D'un sourire, il tend son passeport et son billet à l'hôtesse. Il détaille à travers ses lunettes teintées la procédure habituel, le scanne, les données, la réservation et pour la première fois, Lee Minjae se rend en sur le sol coréen. C'est l'aller simple d'un vol direct, il dit au revoir à Moscou.

— что это, méchant c'était vraiment, va t'excuser
— ...je m'excuse....de ton manque d'intelligence.
— tu vois, cela fait se sentir bien de s'excuser

Rei. Elle est son billet de retour. Elle n'était qu'une simple histoire de dettes qui aurait du se régler rapidement envers le gang, l'histoire de quelques semaines ou de quelques mois. De ce qu'on lui en a dit, parce que de toute façon on lui épargne les détails et les raisons. Ça évite les jugements et la morale. Pourtant son arme reste rangée et les occasions se sont multipliées.  

Et c'est à ce moment, qu'il baissa sa garde.