au beau milieu d'un feu rouge, la jeune fille sort de la voiture, maintenant ou jamais elle s'est répété sur le chemin. "rei ! REI ! qu'est-ce que vous foutez, rattrapez-là !" probablement personne dans ces embouteillages ne devait percevoir son désespoir, cette course effrénée vers la plage. les gens devaient plutôt penser à quel point elle était belle dans cette robe d'été. pourtant ce n'était pas sa première tentative de suicide ; elle avait sauté du haut du pont la première fois, puis elle avait gardé de côté des somnifères prétendant ne pas pouvoir dormir pour finalement tous les avaler un soir, elle avait aussi essayé de s'ouvrir les veines. maintenant elle attendait avec impatience la rencontre de l'eau avec ses poumons. elle n'a jamais eu peur de mourir car sa vie n'était qu'une descente aux enfers, quand elle pensait avoir atteint l'étage le plus bas il y avait toujours quelque chose pour lui rappeler que le cauchemars n'était pas fini. elle a quinze ans et n'est même pas là depuis un an, bien trop jeune pour avoir essayé toutes ces façons de mourir. l'eau atteint le niveau de ses jambes, ses cuisses, puis ses épaules puis quelques minutes semblent passer après qu'elle soit engloutie par l'eau et une main vient vivement tirer son bras pour la sortir de là. frêle comme elle est ce n'est rien de bien difficile même si elle se débat. elle crie un des seuls mot russe qu'elle connait, "aide" mais personne ne vient, personne ne veut se risquer à faire face à ces hommes aux gros bras vêtus de noir. ils ne lui laissent pas le temps de sécher ses vêtements et cette fois-ci elle finit dans le coffre. elle a beau crier et taper de toutes ses forces, sa voix est ignorée par le bruit de la radio au maximum, les rires et des conversations qu'elle est incapable de comprendre.


vladivostock, le début de la fin ; elle comprend bien qu'elle n'est ni la première et ne sera pas la dernière. elles se retrouvent dans une pièce sans lumière, juste des sanglots dans des langues différentes. elles se racontent des histoires vraies comme quoi la dernière à être sortie ava était si belle qu'un jeune héritier débauché l'a prise avec elle mais que ce n'était pas pour le meilleur et que quelques semaines plus tard il était revenu, lassé, insatisfait à la recherche d'une autre beauté rare mais il n'avait jamais pu trouver qui que ce soit. plus personne n'a jamais entendu parler d'ava en mal ou en bien après ça. et le monde n'avait pas cessé de tourner, elle était sortie de l'obscurité de cette pièce pour se retrouver dans des lieux encore plus obscurs encore où les adultes mal intentionnés tiraient profit des jeunes filles comme elle sans pouvoir, sans avenir prédéfinit, certain. ce club de striptease regorgeait d'homme comme ça, qui donnaient une valeur, mettaient un prix sur sa vie sans connaître ni essayer de sonder son âme. sevastyan le propriétaire de ce stripclub et aussi celui qui avait payé pour qu'elle soit là était le pire de tous. il n'avais pas eu à bouger pour que tout ça s'organise comme il le souhaite. l'argent et l'influence des hommes qui ont de l'argent. naive comme elle était elle pensait qu'il serait celui qui l'aiderait. son visage inspirait confiance, des traits doux, des yeux verts chaleureux et rieur. elle ne le connaissait pas et ne comprenait même pas la langue qu'il parlait mais pensait qu'il la sauverait. sevastyan, l'ordure au sommet de toutes les autres ordures qui tiraient les ficelles de ce stripclub, elle dit adieux à sa naïveté en le rencontrant. la descente aux enfers.



"comment est-ce que tu t'appelles" il murmure d'un ton doux. "hua r-" il secoue la tête "non non non, tu ne sembles pas avoir bien compris mon petit soleil. maintenant que tu es ici tu n'es personne. tu es ce que tu veux que tu sois. tu es dans la paume de ma main. si belle mais insignifiante." il passe la main sur sa joue, ses gestes étant d'une délicatesse insoupçonnée. "maintenant dis moi, comment est-ce que tu t'appelles vraiment" elle n'avait pas mangé depuis deux jours et il revenait tous les jours poser la même question. juste un jeu dangereux. et si le regard pouvait tuer il serait mort de multiples façons. "BÔ REI !" le coup part même si elle est assise à même le sol et elle n'a plus l'impression de ressentir quoi que ce soit plus les jours passent. les bleus sont presque une illusion sous ses yeux. la fatigue parcontre était tout ce qu'il y avait de plus réel. ses mains tremblantes se posaient sur son pied pour revenir s'agripper à sa jambe mais il n'avait aucun mal à s'écarter. "se-sevastyan..." elle murmure mais il fait mine de ne pas l'avoir entendue secouant doucement la tête. "tu vois je n'ai même pas l'impression que tu essaies..." le papier sera capable de tout endurer, c'était un proverbe qui traînait dans sa tête, y penser était comme un remède à ses blessures. elle essayait de ne pas oublier les choses importantes comme d'où elle venait. en réalité ce qu'elle craignait c'était de devenir comme ces filles, mais cette crainte prenait vie quand elle se retrouvait dans ce stripclub et que ses larmes étaient remplacées par un sourire qu'elle ne connaissait pas. ses émotions ne lui appartenaient plus vraiment.


visage de porcelaine inexpressif, les yeux rivés dans les siens d'un vert clair. c'était le diable qu'elle avait en face d'elle ; et ce soir ils dînaient seul dans cette immense maison. rei était sa favorite, tout le monde le savait à ses yeux elle était spéciale, divertissante et chaque jour il puisait dans ce qu'il lui restait en terme de qualités humaines. elle avait dit au barman quelques jours plus tôt qu'elle était nerveuse et qu'il lui fallait quelque chose pour lui faire oublier le client de le client qui avait payé pour elle ce soir. elle était là depuis si longtemps qu'il ne se doutait pas de ce qu'il se passait dans sa tête. sa période agitée avait fini par passer et elle était devenu si calme et presque docile. au départ ça semblait étrange et puis c'est passé aussi, comme toute chose. il part chercher une bouteille de vin rouge, mei préférant celui-ci et elle en profite pour verser la solution incolore dans son verre de vin blanc. honnêtement ses mains tremblent à l'idée qui puisse lire en elle comme dans un livre ouvert. elle les serre très fort puis les pose sur la table délicatement lorsqu'il arrive. un sourire qui ne lui appartenait pas le sien se dessinait sur ses lèvres quand il venait remplir son verre. l'illusion d'un état euphorique pourtant factice. elle le laisse boire jusqu'à la dernière goutte après avoir levé son verre. puis le repas finit par se terminer et la jeune femme est d'humeur à danser alors elle allume la radio. la seule musique qu'elle écoute étant celle du stripclub, elle apprécie le fait de découvrir d'autres styles musicaux un peu plus sobre. lust for life de lana à la radio mais elle ne sait même pas de qui il s'agit. elle se laisse entraîner par la musique qu'elle se trouve à aimer. il finit par se lever et semble perdre l'équilibre et ses mains s'accrochent à la table un instant. un faible rire s'échappe de ses lèvres alors qu'elle part chercher une de ses armes qu'elle sait être cachée dans le tiroir du salon. elle qui n'a jamais tiré sur qui que ce soit mais qui semble si bien s'y connaître quand elle retire la sécurité pour viser sevastyan. il éclate de rire, posant sa main au niveau de son oeil semblant avoir mal à la tête "espèce de petite pute" il murmure tentant de marcher vers elle. "maintenant, c'est à ton tour de danser" elle lance son sourire s'étant effacé. il se précipite vers elle jurant mais rei n'a pas de mal à le voir venir et se contente de marcher sur le côté d'un pas rapide. elle le contourne alors, et se penche alors murmurant assez fort pour qu'il l'entende "c'est toi ma pute" elle tire mais aucune balle ne sort de l'arme et elle qui le pensait affaibli l'avait sous estimé. il lui fait perdre l'équilibre avec son pied avant de se redresser sur ses genoux l'attrapant vivement avant de cogner comme il cognerait un homme car il s'en fiche, car ce n'est pas le genre de personnes à se soucier de ce genre de choses. elle se débat du mieux qu'elle peut, le repoussant avant de ramper vers l'arme presque désespérément. elle sent sa main attraper sa jambe et finit par le frapper avec l'arme ce qui semble être suffisant l'espace d'un instant. elle vient alors le fouiller pour attraper son arme elle recule mais ses mains l'attrapent. il se redresse au dessus d'elle et la jeune femme tire sans réfléchir, au niveau du torse. ses mains tremblent comme jamais, pas parce qu'elle a peur, pour une autre raison ; tout ce sang. elle se redresse difficilement, la musique tourne toujours et il est toujours conscient. il ne lui a jamais paru aussi vivant qu'aujourd'hui, les larmes coulant le long de ses joues pâles la peur de mourir. la peur de vivre ses derniers instants avec cette fille qui ne veut que sa perte. les mains de la jeune femme tremblent toujours, pourtant cette colère est toujours présente. les mains ensanglantées, sa jolie robe blanche scintillante et pourtant elle aussi tâchée de sang. elle marche à reculons, manque de tomber à nouveau et finalement décide que cette musique l'exaspère et fait tomber la radio. il n'y a plus que le bruit de sa respiration suffocante et le corps de sevastyan finalement immobile. elle reprend conscience et se précipite vers la porte pour se cogner contre le corps épais de yefrem. son regard croise le sien avant qu'il ne se pose sur le corps inanimé de son boss "putain rei..." il lance avant d'ajouter d'un signe de tête "file, dépêches toi" elle se lance dans une course effrénée contre elle même dans les escaliers, enlève ses talons et se débarrasse de la robe avant de se laver les mains et retourner dans la chambre pour enfiler un jean et un t-shirt sans se soucier de la couleur. elle remplit son sac de sport avec le plus de vêtements possible et enfile des baskets. une fois au rez-de-chaussée elle retrouve à nouveau yefrem et balaie du revers de la main les larmes qui coulent le long de ses joues "hey hey, j'ai besoin que tu m'écoutes bien attentivement ok ?" il dit en encadrant son fin visage de ses grandes mains "quand tu vas sortir d'ici, tu vas tomber sur un gars, milan" la jeune femme sur la défensive recule et repousse ses mains mais il attrape les siennes ajoutant "non non non c'est un type réglo ok ? tu peux lui faire confiance. tiens prends ça." il lui donne ses photos d'identité et met une poche avec une quantité conséquente d'argent "dis lui qu'il faut absolument que vous alliez à moscou ce soir ok ? il se débrouillera p-" la jeune femme se faufile dans ses bras pour une étreinte. il tapote son dos et s'écarte avant de lancer "ok ok...aller maintenant files, je m'occupe de ça, file"


elle marche avec crainte dans l'aéroport de gimhae. milan la conduit jusqu'aux portes de sortie pour attendre avec elle et lance alors enfonçant les mains dans ses poches "il y a un avion pour moi qui part à séoul puis à paris" un sourire satisfait se dessine sur ses lèvres mais s'estompe quand il voit la mine sombre sur le vilage de la jeune femme "ouais ben, je voulais aller dans une destination un peu plus ensoleillée mais bon j'imagine qu'on peut pas tout avoir quand on veut tout tout de suite." il marque une pause et ajoute "un type va venir te chercher, t'en fais pas je lui ai déjà tout expliqué, il te touchera pas" il soupire "s'il te touche, appelles le numéro que j'ai mit dans ton passeport... ça veut dire que je vais devoir poser mon putain de café et mon croissant ramener mon cul ici, et lui faire la peau... j'aurais bouffé tellement de pâtisseries d'ici là que je me demande si c'est pas lui qui va me défoncer" ces paroles arrachent un doux rire à peine audible à la jeune femme. il hoche la tête fixant le sol avant de relever ses yeux bruns vers la jeune femme. un clin d'oeil et un sourire. la voiture finit par arriver et il reste planté sur le trottoir regardant la jeune femme monter.