((ootd)) Debout sur un fil entre deux rochers comme si l'action était une habitude pour tout le monde. Déjà là, il sentait le regard des quelques rares passants se poser sur lui. Toujours à la même heure, les yeux levés vers le ciel et ses dessins, le tracé des avions dans l'air alors que le soleil brillait sur sa peau. Puis il fermait les yeux silencieusement, impassible de son humeur de l'instant en avançant dans le vide les pieds nus. Il aimait lorsque le vent lui secouait les cheveux. Entendre les vagues s'échouer sur le sable mouillé encore et encore. Il était apaisé. Un apaisement qu'il ressentait seulement lorsqu'il s'entraînait dehors. À l'intérieure du chapiteau l'ambiance n'était plus la même. Cependant, une ambiance différente qu'il aimait également. Shin avait simplement mis du temps à s'en rendre compte. Plus que n'importe lequel d'entre eux.

La mort de son grand-père qui lui avait valu des mois enfermés dans le bateau avant de s'y faire expulsé pour loyer impayé. Ça n'avait pas été concevable pour Shin d'utiliser l'argent dont il venait d'en tirer l'héritage. Ça ne lui avait pas été concevable non plus de ne pas garder l'endroit pour lui. Les traces de son passé qui semblaient lui filer entre les doigts. Alors il lui avait été naturel de reprendre sa vie en main, de ne pas se laisser aller et de montrer qu'il était capable de rendre fier l'homme qui l'avait élevé avec respect et bienveillance. Les choses ne s'étaient peut-être pas tant bien passée que ça lorsque la fin de l'été avait vu le jour. La présence d'un autre en moins, une présence qu'il n'avait plus jamais revue. En broyant du noir à se remémorer le passé, à se revoir à deux quand il n'était plus qu'un ou encore à sourire bêtement avant de refermer son visage l'instant d'après. Il avait atterri au cirque de façon si inattendu. Et c'était ce qui l'avait sauvé.

L'entraînement personnel terminé, il était redescendu sans trop de difficultés. Et déjà ses doigts de pieds touchaient le sable chaud. Une action qui s'était naturellement installée chez lui lorsqu'il voulait se sentir plus proche de son grand-père. L'élan de nostalgie qu'il s'offrait en guise de larmes qui ne coulaient pas. Ça ne voulait pas dire qu'il ne l'aimait pas. Bien au contraire, il l'aimait trop. Shin n'avait jamais fait le deuil. Seulement, était-ce la seule chose dont il n'avait jamais fait deuil ? Quelque chose ou quelqu'un qui manquait à l'appel et qu'il regrettait d'avoir tant de fois laissé partir… C'était simplement insupportable. Il vivait avec au quotidien. La douleur qui ne s'estompait jamais et la haine qui ne faisait pourtant que de grandir en lui. Les poings qui se refermaient directement lorsqu'il y songeait. Puis l'imagination d'un discours qu'il avait tant de fois mis en action dans sa tête. Se reverraient-ils un jour de toute façon ? Peut-être plus tôt qu'il ne l'aurait cru. Peut-être trop tard. Suffisamment pour qu'il écarquille les yeux lorsqu'une fois à l'abri son regard s'éternisa sur son dos. Il était le même qu'avant.

Exactement le même.

((ootd)) Il déposa un baiser contre le front de sa belle, le regard perdu sur ses traits apaisés d’un sommeil réparateur. Hwan se pinça doucement les lèvres, l’intérieur rongé par la culpabilité comme à chaque fois qu’il contemplait le visage serein de sa fiancée. Son faciès resterait-il toujours ainsi, même si un jour il lui dévoilait la vérité ? Surement pas. Elle le détesterait tout comme il se détestait depuis bien longtemps, elle verrait le monstre qu’elle était. Celui qu’il était depuis tout jeune mais que seul son père avait su percevoir. Il s’apprêtait à quitter ses côtés quand il sentit une pression autour de son poignet, les paupières de sa fiancée se rouvrant légèrement. « Repose-toi ma chérie, je sors juste prendre un peu l’air. » Ils étaient tous deux de garde à l’hôpital la veille, il était donc normal qu’ils soient encore endormis malgré l’heure qu’il était. Ses doigts se faufilèrent dans les longs cheveux de la jeune femme une dernière fois avant qu’il ne quitte leur chambre.

Hwan se laissait aller au gré de ses pas entre les rues et ruelles de la ville, ça ne faisait que quelques semaines depuis qu’il avait quitté la capitale pour Busan, une décision aussi hâtive que réfléchi. Il prétextait ne suivre que l’envie de sa fiancée ; originaire de Busan et désireuse de retrouver ses racines. Mais il y’avait bien une autre raison qui l’avait fait accepté leur transfert d’université sans plus y réfléchir. Une personne. Et Dieu qu’il regrettait chaque pensée qu’il avait pour ce visage du passé, qu’il haïssait d’être aussi faible. Il ne méritait aucune des deux personnes qui comptaient le plus pour lui.

Il aimait à s’imaginer que ce n’était que le fruit du hasard, qui l’avait mené jusqu’à la plage, mais il n’en était rien. C’était devenu une sorte de rituel, un passage obligé à chacun de ses moments libres. L’estomac noué, il espérait le revoir tout autant qu’il ne le craignait. Mais il n’avait plus revu dernièrement. Il allait jusqu’à la grotte, cet endroit qui avait été leur refuge durant plusieurs étés. Il n’avait jamais été aussi heureux qu’à l’abri de ces rochers, le son des vagues au loin, la tête posée sur le torse de son ancien amant et bercé par les battements réguliers de son cœur. Il avait toujours été si lâche. Et cette fois encore, Shin n’était pas là. Hwan resta de longues minutes à contempler la grotte et se perdre dans tous les souvenirs qui lui revenaient vivement, il n’entendit presque pas le bruit que des pas firent derrière lui. Il finit par se retourner, doucement, un tonnerre à la place du cœur jusqu’à ce que ses yeux s’ancrent dans ceux d’un fantôme.

« Shin… » Sa voix trembla, tout comme ses mains qu’il garda derrière son dos. Shin, Shin, Shin. Une cacophonie dans la tête. Il s’approcha craintivement. Un stupide « Bonjour. » quitta ses lèvres, comme s’il n’avait rien de mieux à dire.

Pardon, pardon, étaient pourtant les mots dont il désirait s’écorcher.

((ootd)) Le bruit des vagues en arrière-plan. Le temps qui semblait perdu, arrêté dans sa totalité pour laisser apparaître un silence lourd. Un ralenti sans filtre où il ne savait plus où placer ses idées. Il ne savait plus quoi penser, que dire ou que faire. Tiré d'un film, la scène ne semblait pas plus réel que les étés qu'il avait passés à l'attendre en vain : jusqu'au dernier jour. Le son de sa voix qui crispait son corps et son poing qu'il gardait précieusement fermé. Puis le visage froid, le regard noir qu'il lui lançait sans regret. Que devait-il faire quand ce qu'il avait tant de fois imaginé arrivait réellement ? Des scénarios aux mille couleurs, mille solutions qui s'étaient présentées à lui, lequel devait-il suivre ?  Hwan. Hwan. Hwan. Un prénom qu'il avait parfois entendu résonner aux coins des rues. Un prénom qui lui avait valu de se retourner plusieurs fois pour en déteindre une réponse qui lui brisait le cœur un peu plus à chaque fois. Alors oui, que devait-il faire maintenant que celui qu'il avait toujours souhaité revoir se présentait à lui l'air de rien ? Deux années d'attente qu'il pouvait briser en quelques secondes. Deux années d'attente qu'il pouvait oublier d'un claquement de doigts. C'était plus facile à dire qu'à faire.

Une respiration. Deux respirations. Et un sourire d'ironie qui fleurissait au coin de ses lèvres. Il avait reculé dès l'instant où l'autre avait fait l'inverse. Une erreur qu'il ne pouvait plus se permettre. La haine plus grande que le reste de ses émotions, de ses sentiments. C'était plus facile d'éviter une confrontation par l'ignorance mais alors il ne serait plus lui-même. La bête derrière l'homme ou l'homme derrière la bête. Celui que Hwan avait forgé de ses soudaines disparitions et apparitions. « J'ai envie de te frapper jusqu'à ce que ma colère s'éteigne mais ce serait un trop grand privilège pour toi. » Il n'était même pas certain que sa colère disparaisse un jour. Était-il vraiment en colère ? Était-ce le mot qui le définissait quand il pensait à Hwan ? Trop complexe pour y mettre un nom. Trop compliqué pour ne pas en mettre. Ses souvenirs avec lui l'apaisaient avant de l'énerver. Ça le rendait fou de penser à lui dans ses pires moments. Ça le rendait fou de ne pas l'avoir à ses côtés dans les bons. Hwan le rendait complètement fou.

« Dégage. » lança-t-il froidement. À ses mots il s'était avancé vers lui, son épaule frôlant la sienne pour le faire basculer alors qu'il continuait son chemin d'un air impassible. Comment pouvait-il venir ici l'air de rien ? Comment pouvait-il balancer un « bonjour » comme s'ils s'étaient vu la veille ? Comment pouvait-il oui, oser prononcer son prénom comme si ça n'avait pas d'importance ? Shin avait tellement de questions à lui poser sur ses deux dernières années qu'il n'en trouvait pas la force. Les mots brutaux étaient plus faciles à déballer. Et s'ils se recroisaient un jour… Peut-être que cette fois-là il en aurait le courage. Il n'y avait que la haine qui le décrivait à cet instant. Ça le tuait de voir son visage après tant de temps.

Pourtant il ne voulait pas le voir partir.
Pas une quatrième fois.

((ootd)) Tant de fois, il avait fermé les yeux, bercé par les images édulcorées de retrouvailles sous le soleil et au bord de la plage. Il avait enchainé les scénarios, de ceux où Shin lui offrirait le pardon divin, à d’autres plus moroses où il lui tournait le dos sans vouloir répondre au moindre de ses sanglots. Il y’avait les rêves qui faisaient fleurir un sourire sur ses lippes et ceux qui le faisaient se réveiller au milieu de la nuit, en sueur et tremblant, ses doigts s’accrochant au haut de son t-shirt, à cet endroit même où son cœur grondait de milles tourments. Hwan ne comptait plus le nombre de fois où il avait voulu se jeter de sa voiture et rouler à toute à l’heure vers le sud jusqu’à la ville où Shin se trouvait, là où il avait laissé son cœur émietté, pensant que tout serait mieux s’il coupait contact. Hwan n’avait pas réalisé à quel point il l’aimait. Il l’avait dans la peau, Shin faisait partie de lui et son manque était pénible. Une douleur qui ne l’avait depuis plus quitté. Parce qu’il avait fui comme un lâché, laissant l’homme qu’il aimait à ses doutes. Hwan, fuyard. Hwan, égoïste et idiot. Il pensait réussir à oublier ses sentiments dont l’emprise grandissait à chaque été passé entre les bras de Shin ; il n’avait jamais eu aussi tort. Car son être entier criait son besoin de lui, ses mains cherchaient le toucher de Shin quand elles glissaient le long des bras de sa fiancée. Ce n’était pas la même chose.

Elle n’était pas lui et ne le sera jamais. Personne n’était Shin.

Alors oui, il n’avait cessé d’espérer honteusement leurs retrouvailles, il s’en était fait milles idées, mais rien n’arrivait à la hauteur du moment présent. Rien ne rendait justice au flot d’émotions assassines qui illuminait le regard de Shin ; un mélange toxique de colère, de froideur et d’ironie. Hwan savait qu’il l’avait perdu le jour où il l’avait quitté, mais putain, que cela faisait mal de voir la récole de ce qu’il avait semé devant ses yeux. Le mal continua à se propager quand Shin recula en arrière tandis qu’il s’avançait vers lui. Hwan se sentait comme un moins que rien, un atome insignifiant sur terre. Et être conscient de mériter ce genre de traitement n’atténuait pas sa souffrance. « Shin… » Répéta-t-il encore, la voix brisée comme s’il avait crié, pourtant son murmure était à peine audible. Ce qu’il aurait donné pour que Shin lève la main sur lui, qu’il enfonce ses doigts dans sa chair jusqu’à le consumer en entier.

Tout, il accepterait tout, sauf l’ignorance dont il le baignait à présent.

« Attends, attends…je t’en supplie. » Les mots le suffoquaient, sa plainte résonnant aussi vite que sa main qui venait entourer le poignet de Shin, son dos encore douloureux après avoir rencontré la surface rocheuse de la grotte quand le garçon l’avait bousculé. Il ne pouvait pas partir, il ne pouvait pas le laisser. Pas maintenant. Alors qu’ils se retrouvaient enfin.

« S’il te plait, Je…Je… » Je peux tout expliquer, c’est ce qu’il aimerait tant affirmer. Donner une raison à tout.
Mais que pouvait-il réellement dire à part qu’il avait eu peur.
Il ne pouvait dire la vérité dans sa totalité. Ma copine m’attendait à chaque fois que tu me faisais l’amour, oh, c’est ma fiancée maintenant.
Shin le tuerait.

((ootd)) L'homme de ses tourments qui se retrouvait devant ses yeux. Combien de fois s'était-il perdu dans des rêveries où son corps frôlait le sien une dernière fois, encore et encore ? Maintenant qu'il l'avait à ses côtés, c'était comme lui dire que son grand-père était revenu à la vie : un rêve. Hwan en était-il vraiment un ? N'était-il pas plutôt devenu un de ces cauchemars les plus sombres tout droit sorti de son imagination ? Là, il voulait simplement se réveiller une fois encore. S'imaginer oui, qu'une fois de plus il n'était qu'objet dans un mirage. La fatigue de la semaine qui lui montait à la tête, la pression du spectacle qui venait lui pondre des frisons le long de son corps. Mais non, c'était bien lui.

Et même si au plus profond de lui-même il désirait l'ignorer, c'était au-dessus de ses forces. Il avait tant de choses à lui dire, tant de choses à lui demander qu'il n'arrivait pas à partir. Hwan n'était pas rien. Il n'avait jamais été « rien ». La preuve qui découlait de ce moment où il l'avait bousculé ; cet appel au secours, cette demande silencieuse de le garder près de lui, d'arrêter de fuir ce qu'ils devaient confronter l'un et l'autre. Tant de rêves qu'ils avaient partagés. Tant de fois où leurs yeux s'étaient fermés au même instant, même moment pour vivre des retrouvailles qu'ils n'espéraient plus au fil du temps. C'était parce que tout semblait irréel qu'il vivait d'émotions plus noires que dans ses rêveries.

Il aurait préféré rêvé.
Continué de s'imaginer cette scène qu'il vivait aujourd'hui.

« Me touche pas, va te faire foutre Hwan. » avait-il répondu en sentant la main du garçon se poser sur son poignet. Il avait senti tous les tremblements de son corps, toute l'émotion qu'il lui transmettait en clignant des yeux. Des frisons qui venaient parcourir son corps sans en oublier une partie, son regard qui se refermait un peu plus pour ne pas briser la carapace qu'il avait mis tant de temps à construire. Hwan, la raison de cette douceur consumé avec le temps, oublier dans le passé sans l'ombre d'un regret. Alors il avait retiré son bras avec violence en se retournant vers lui ; affronter le visage qu'il n'arrivait plus à contempler avec la tendresse d'autrefois. Enterré dans le sable avec leurs souvenirs. « Tu ? Tu veux quoi ? M'expliquer pourquoi tu n'es jamais revenu me voir ? Pourquoi tu n'as tenu aucune de tes promesses depuis qu'on se connaît ou pourquoi tu reviens maintenant comme si rien de tout ça n'était arrivé ? » Sa voix froide maintenant chaude, brûlante de mots qu'il n'aurait jamais dû prononcé, grave de sens. Colérique et abîmé. Nam Shin avait juré en lui tournant le dos. Le calme inexistant qu'il essayait de retrouver en fermant les yeux, pourtant la crainte d'entendre à nouveau résonner les vibrations de la voix de son amant perdu.

((ootd)) Ils s’étaient tant aimés, mais que restait-il de tout ça ? Qu’est-ce qu’il avait laissé des murmures langoureux qu’ils s’échangeaient sous le doux clapotement des vagues. Ils avaient tant aimé repeindre le monde à leur couleur pendant ces brèves trêves estivales. Entre ses bras, Hwan s’était senti invincible. Il n’était plus l’enfant faible, l’enfant battu. Il était simplement un homme, qui en aimait un autre, sans plus se poser des questions. Mais ce doux état de quiétude n’avait jamais pu durer bien longtemps, dès la reprise des cours, Hwan retrouvait son quotidien. L’air sévère de son père qui le forçait à dépasser ses limites, la menace des coups au-dessus de sa tête. Puis le regard plus doux de sa petite-amie qui soignait chaque blessure, douce et aimante. Il ne pouvait pas l’abandonner ainsi, elle avait soufflé de la joie de ses journées tristes, sans elle, il ne se serait surement pas accroché plus à la vie. Seulement, un visage revenait sans cesse. Les magnifiques traits de Shin hantaient ses pensées et Hwan se détester d’éprouver cette différence. Son regard s’était parfois égaré sur quelques musculatures masculines, mais il ne s’y était jamais attardé, repoussant la moindre pulsion. Shin fut son exception, et sa perte. Parce qu’il ne vivait plus qu’à travers l’oxygène que ses lèvres lui offraient. Il n’était lui qu’en sa présence.

Et Hwan aurait tout fait pour ne plus avoir l’impression qu’ils étaient des étrangers. Pire que cela, des ennemis. Sa main autour du poignet de Shin tremblait, autant d’émotion que de peur. Il savait de quoi son ancien amant était capable, il l’avait rendu ainsi après tout. Il guettait le moindre espoir dans son regard, mais il n’y avait que le vide pour lui répondre.

La pression autour de Shin disparut malgré lui et il baissa les yeux, toujours incapable de parler, craintif comme un chaton retrouvé sans défense. Sauf qu’il ne savait pas montrer les crocs, ne serait-ce que pour simuler la moindre force. Il comprenait la colère de Shin et ne pouvait lui en vouloir, conscient que la culpabilité qui le rongeait n’était pas suffisante pour expier ses péchés. Ses lèvres demeurèrent mutines, les rouages de son esprit tournant à mille à l’heure. Oui, il voulait offrir des réponses à toutes ses questions, mais tout l’enfoncerait un peu plus, parce qu’il devrait faire l’aveu de son infidélité et de ses nombreuses mensonges. Il n’avait jamais appartenu à Shin uniquement. Il s’était laissé partager entre deux êtres distincts, distrait par la facilité de l’un, et la passion dont le consumait l’autre. « Pardon. » Échos qui glissent contre la paroi de la grotte. Ce n’était pas ce que Shin voulait entendre. « Pardon d’être parti comme ça et d’avoir failli à toutes nos promesses. Je t’ai jamais oublié, Shin, je pouvais pas t’oublier. » Impossible quand il pensait à lui à chaque fois que ses yeux s’ouvraient, puis s’endormait les rêves pleins de lui.

Il traine ses doigts à l’endroit de son poignet où Shin l’avait repoussé, la pâleur de sa peau se teintant rapidement en des nuances rougeâtres. « Je sais pas ce que je dois faire…pour que tu me pardonnes… » Il n’avait surement rien à faire. Il était trop tard, son cœur, néanmoins, ne pouvait se résoudre à prendre cette issue-là.

((ootd)) Tant de temps passé à tenter d'oublier un être marqué d'une présence à chaque coin de la pièce. Grotte trouvé à deux, abris d'un premier amour sans doute trop intense pour s'oublier d'un claquement de doigt. Rêve enfantin d'y construire une vie à deux. Rêve qui s'était tant de fois brisé à chacune des fois où ils s'étaient quitté le temps d'une année. Vacances paradisiaques bercées au son des vagues, amour naissant sur un feu de camp, premier baisé volé dans des couleurs nacrées. Il se souvenait de tout. De chaque moments partagé, de chaque fou rire engagé, de chaque peine commune. Aujourd'hui pourtant, seules les blessures passées semblaient refaire surface. Comment pouvait-il les oublier ? Il entendait encore le son de sa voix. Dernier mot prononcé.

À l'année prochaine.
Tas de mensonges, grossièretés.

Des paroles en l'air qu'il n'arrivait plus à entendre. Les mots qui n'avaient plus de sens à ses yeux. Crainte supplémentaire de ne plus pouvoir offrir sa confiance d'un sourire significatif. Et la violence qu'il lui avait enseigné qui était resté encré. Douces caresses transparentes, transformées en chaires écrasées. Griffures sauvages de leurs ébats enflammés le temps d'un été. Il n'y avait plus rien. Plus que les fantômes d'un passé qu'il aurait préféré oublier. Tout aurait été plus facile.

Le dos retourné et l'affrontement en moins. Il reprenait sa respiration avec difficulté, l'emprise des doigts sur son poignet qui lui faisait encore sensation. Il avait l'impression que Hwan le touchait encore et ses mots lui glaçaient le sang. Des cris sourds qui ne résonnaient pas, pensif de ses actions. Ce qu'il devait faire ou ne pas faire. La goutte d'eau de trop, le vase débordé à l'instant où il avait marché jusqu'ici. Il n'aurait jamais dû revenir. Nam Shin n'arrivait plus à penser autrement. Tout n'aurait-il pas été plus simple si cette rencontre était resté rêveries ? « Parce que tu crois que je t'ai oublié de mon côté ? T'es un putain d'égoïste, tu le sais ça ? Il n'y a que toi et personne qui compte à tes yeux ! Viens pas me faire croire que tu n'as pas réussi à m'oublier… Deux ans. Tu sais ce que c'est deux putains d'années ?! » Contenance effacée quand il avait tourné son corps une dernière fois, quand ses doigts avaient tiré son t-shirt en hauteur pour le soulever d'un regard noir qui l'en accompagnait. Et même là encore, il regrettait déjà de l'avoir touché quand leurs lèvres s'étaient une fois de plus rencontrés. Torturé à vie.

((ootd)) Il y’avait tant de façon de quitter une personne, Hwan avait usé de la plus lâche ; la fuite, le silence qui suit de longues promesses. Marcher vers l’avant pour ne plus jamais se tourner vers ce qu’il avait laissé derrière, tout simplement parce qu’il n’avait jamais voulu quitté Shin. Le jeune homme s’était immiscé dans son cœur, doucement, lentement, sans même que Hwan ne le réalise. Il était déjà trop tard, il appartenait au garçon corps et âme. Il n’avait jamais eu le courage de rompre clairement avec Shin ou lui confier ses tourments, peut-être qu’il aurait su l’aider, peut-être que…aujourd’hui ils seraient toujours le centre du monde de l’autre. Mais il ne désirait pas se bercer de peut-être, pas quand tout se dressait devant eux, bien que son ancien amant n’en ait jamais été conscient. Hwan n’arrivait plus à se contenter de ces vacances de bonheur. Il voulait être heureux, à chaque instant, préserver Shin et sa tendre présence à ses côtés. C’était impossible, alors il préféra s’enfoncer dans sa misère. Il espéra que Shin soit passé à autre chose, prétextant que ce n’était pas grave, si l’un d’eux au moins finissait par être heureux, puisque leur relation était vouée à l’échec.

Shin n’était pas heureux. Le constat fut évident quand il ancra son regard dans le gouffre du sien. Et il en était la cause. Cette séparation n’avait servi à rien. Si ce n’était lui démontrer toute l’ampleur de l’amour qu’il ressentait pour lui. Parce qu’il était revenu, au seul endroit qu’il avait un jour pensé pouvoir appelé maison, mais il n’y avait plus personne pour l’y accueillir à bras ouverts. Ce n’était plus comment avant, et ils n’étaient plus des enfants. Pas plus que des adultes.

La voix de Shin fronda de nouveau, dure et pénible à l’oreille, comme si la douceur dont il avait si souvent épeler son prénom n’existait plus. Hwan sait qu’il ne mérite plus ses murmures amoureux. Il était égoïste, qu’importe ses excuses, il ne pouvait que courber l’échine devant les mots que lui sifflait le brun. Il sursauta quand les doigts de Shin enveloppèrent son haut, sa respiration saccadée, les yeux déjà clos dans l’attente d’un coup. Une seconde.

Puis une deuxième.

Le seul choc qu’il ressentit fut celui des lèvres de Shin contre les siennes, conquérantes et violentes. Il subit le baiser plus qu’il n’y prit part, mais son cœur grondait dans sa cage d’os. Shin l’aimait encore. Son bel amour. Ses doigts s’égarèrent dans les courts cheveux bruns, comblant un peu plus une distance qu’il haïssait. Il n’était pas encore pardonné, mais sentir Shin si proche de lui était semblable à un rêve, doux et éphémère. Ses doigts finirent par encadrer le visage de Shin tandis qu’il le happait en un baiser plus fougueux, l’esprit en bataille. « Je sais que je n’aurais jamais dû te laisser comme ça…C’était les pires deux années de ma vie, je passais pas un jour sans penser à toi…Je sais que je t’ai fait du mal… » Ses paroles balbutiées sous son souffle court, il recule légèrement pour le contempler. Il ne savait toujours pas comment se sortir du bordel où il s’était enlisé de lui-même, mais rien tout était relégué au second plan dès que Shin était là. « Je t’en supplie...n’importe quoi… » Il ferait tout pour lui. Il revint nicher sa tête au creux de son cou, humant son parfum comme s’il avait peur que ce soit la dernière fois.

((ootd)) L'espoir construit d'un amour naissant avant de se briser en un millier de fragments. Brisé par des promesses incomplètes, des pas inachevés vers ce qu'ils avaient autrefois été. Shin n'était plus sûre de rien à ce moment-là. Perdu entre rêve et réalité. Déconcerté par le visage creux de son ancien amant, les bras plus fins encore qu'auparavant et l'inquiétude qui revenait peu à peu s'ancrer dans son être. Il fermait pourtant les yeux, la rancœur qui était la plus conquérante de ses émotions. Tant de rêves qu'il n'arrivait plus à contempler de la même manière depuis son départ. Et voilà qu'il était revenu à lui. Seulement, était-il revenu pour lui ? N'était-il pas revenu par pur égoïsme ? Pour soulager une conscience bien trop lourde ? Il n'arrivait même plus à décrocher ses pensées d'idées qui resserraient son cœur un peu plus à chaque fois. Car oui, il avait mal.

Il avait tellement souffert de son absence. Alors que pouvait-il faire maintenant qu'il se retrouvait enfin face à lui ? Son cœur qui lui disait de ne rien faire, de ne pas bouger d'un millimètre pour ne pas franchir l'inévitable. C'était déjà bien trop tard. Doigts froissées sur le t-shirt déjà chiffonné d'une journée vécue parmi tant d'autres. Mouvement qu'il regrettait déjà quand sa main en tremblait d'actions incertaines. Il ne pouvait plus se détacher d'envie parasite, ne voyait plus d'autres solutions que celle de poser ses lèvres contre les siennes. Comme avant. Et parce que Hwan avait toujours réussi à calmer sa colère lorsqu'elle venait le prendre aux tripes de la sorte. Ironie du sort lorsqu'il en était la cause.

Alors il forçait plus qu'il n'y donnait de passion ; ressentiment qu'il n'avait pas tant de mal à retransmettre au garçon. Pourtant il s'était tendrement apaisé au simple contact de ses frêles doigts dans sa chevelure sèche. Échange fougueux qu'il avait désiré avec tellement de hargne qu'il en voyait sa vie défilée. Tellement de colère qui s'échappait de cette action. Et l'amour de Hwan qui lui avait tant manqué. Jusqu'à ce qu'il se réveille de son rêve éveillé. « Ferme-la, tu me casses les couilles. » avait-il soupiré en fermant les yeux. L'odeur du garçon qui remontait à ses narines quand sa tête était venue à la rencontre de son cou. Sourire qu'il se voulait de cacher en entourant ses bras sur lui avec douceur. Méconnaissable. Mais que pouvait-il faire ? Il en était fou.

« Si je t'avais manqué… Si je t'avais manqué ne serait-ce qu'une journée, tu serais revenu me voir. Une fois. Une fois, je ne te demandais qu'une seule fois Hwan ! T'imagine ce que j'ai vécu ? J'avais fini par croire que tu étais mort ! J'ai imaginé les pires scénarios dans ma tête et toi… Toi tu reviens comme une fleur en espérant que je te pardonne parce qu'avec « n'importe quoi » on règle tout ? Ça marche pas comme ça. » Non, il sentait qu'il n'y arriverait pas maintenant. Le temps qui finirait par le guider avant de le perdre. Et il voulait tellement que « n'importe quoi » fasse l'affaire. Il voulait tellement oui, qu'une caresse ou deux dans des draps marqués de blanc effacé tout. Il voulait tellement recommencer à zéro comme si aucun d'eux n'avait souffert de cette relation. Tout avait été si beau au départ. Qu'est-ce qui avait tant changé ? « Merde. » Parce qu'il n'en pouvait plus d'attendre ou parce qu'il en avait tellement rêvé qu'il n'arrivait plus à se détacher de ses désirs frôlant l'impossible. Il l'avait à nouveau embrassé.

((ootd))Il avait tout ruiné.
Les mots tournaient et formaient une boucle, cercle d’où il ne pouvait plus fuir. Ses pensées semblables à un disque rayé s’égaraient vers le lointain pour lui revenir en pleine gueule avec fracas.

Il avait tout ruiné et l’homme qu’il aimait, le détestait. Hwan se retrouvait plus bas que terre, bientôt à genoux pour supplier un pardon divin. Les erreurs cheminaient jusqu’à lui avec virulence. Mais au final, il n’y avait pas d’erreur, seulement une longue suite de regrets. Pas celui d’avoir rencontré Shin, non, il était ce qu’il avait de plus beau dans sa vie – bien que son existence n’ait jamais été un enchevêtrement de bonheur, il l’avait goûté à ses côtés, la pulpe de ses doigts creusant sa chair dans une tendresse passion. Autrefois, entre ses bras, il se sentit invincible, jusqu’à en oublier la réalité. Une copine qui l’attendait à chaque fin d’été dans sa ville natale, les questions qui se superposaient l’une à l’autre : pourquoi partir ainsi chaque année sans elle, pourquoi la délaisser pendant deux mois.

Lui aussi aimerait savoir pourquoi il était tombé amoureux de Shin.
Shin n’était pas la mauvaise personne, mais il n’était résolument pas la bonne pour lui. Seulement, le choix n’avait pas été sien. Son organe vital s’était épris de lui, ses peurs devenues silencieuses quand leurs regards se croisaient. Il avait voulu croire au bonheur, puis s’était perdu dans le réel. Il l’aimait tant. Peu lui importait la haine dans les yeux de Shin ou sa colère (il les mérite), les cris, la déception, la rancœur. Il l’aimait. Encore plus qu’avant, la distance et le manque rendant son amour au stade d’obsession. Il n’imaginait plus la vie sans lui, chaque réveil devenu infernal, sa tête posée contre la poitrine de sa fiancée. Il sentait à chaque fois son cœur battre tranquillement, tandis que le sien grondait d’un visage qu’il ne voyait plus, d’une voix masculine qui s’était éteinte autour de lui. Il accepterait tout, pourvu qu’il lui revienne.

Leurs lèvres se retrouvèrent dans un fracas de dents et de souffles courts, échange qui lui fit perdre ses repères, violence à laquelle il s’attendait encore moins que ce baiser. Mais il s’y laissa aller, ne savait rien faire de plus quand Shin forçait son passage, assurant l’emprise qu’il n’avait cessé d’avoir sur lui. Les mots s’étouffèrent au fond de sa gorge face à la réaction de Shin, il se terrerait dans le silence s’il le fallait. Sa tête reposa contre son épaule, Shin était si proche de lui, le souffle chaud échoué sur son épiderme et sa présence qui lui enveloppait de toute part. Une tendresse qu’il craignait n’être qu’illusion. Il ferma les yeux dans une vaine tentative de ne pas se laisser submerger par ses émotions et les larmes qui ne cherchaient qu’à s’échapper. Il ne savait plus que chantonner ses excuses aux oreilles de son ancien amant, lui répéter milles pardons. Il ne pouvait rien dire de plus. Il sentait le désespoir de Shin et le lui réciproquait, ils demeuraient les mêmes enfants dans ces corps de grands adultes, face à un tourment de sentiment qui les dépassaient. Les mains de Hwan remontèrent jusqu’au visage du brun, ses longs doigts en encadrant les contours alors qu’il l’entrainait dans un autre baiser. Il ne se sentit pas le pousser jusqu’à la paroi de la grotte, l’emprisonnant entre le roc et son corps, sans jamais quitter ses lèvres dont il chérissait tant la sensation. « Shin… » trouvait-il à peine le pouvoir d’étouffer de temps en temps en glissant le long de sa mâchoire avant de revenir avec ses lippes – assoiffé, il s’étanche de ses baisers. « Je t’aime, j’ai jamais cessé de t’aimer…même si tu y crois pas. J’ai merdé, je sais, j’ai aucune excuse. » Il recula doucement, caressant du bout du pouce la joue de Shin, admirant ses si beaux traits. « Fais de moi ce que tu veux. Je veux juste pouvoir être avec toi, de nouveau. » Il s’enfonçait. Il avait conscience qu’il n’y avait que d’avantages de mensonges et de non-dit, il voulait revenir dans sa vie, sans être capable de lui offrir les explications qu’il fallait. Mais la raison n’avait plus lieu d’être, avec Shin.